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Les résultats provinciaux et nationaux arrivent au fur et à mesure à Rangoon, relate notre correspondant Rémy Fabre. La presse birmane tient le décompte et la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi semble en position idéale à Rangoon justement : douze sièges pour la Chambre basse, pour autant de circonscriptions disponibles dans la plus grande ville de Birmanie. Il s'agit de résultats partiels ; il y a plus de 600 sièges en jeu au Parlement national.
Ras-de-marée annoncé aussi dans la région très peuplée du delta de l'Irrawaddy. Idem dans la troisième ville du pays, Moulmein, au niveau national et provincial. Un proche d’Aung San Suu Kyi aurait même remporté une circonscription à Naypyidaw, la capitale politique, une ville où résident de nombreux fonctionnaires qui, traditionnellement, votent pour le Parti de l'union, de la solidarité et du développement (USDP). C'est symbolique.
Plusieurs personnalités du pouvoir ont perdu leur siège. Thura Shwe Mann, président du Parlement birman, a par exemple reconnu très vite sa propre défaite. C’était une figure importante de l'USDP, parti des anciens généraux jusqu’en août dernier. Htay Oo, un proche du président Thein Sein, a lui aussi reconnu sa défaite, ainsi que celle de son camp. « Nous allons devoir trouver pourquoi nous avons perdu », a-t-il dit. « Toutefois, nous acceptons les résultats sans aucune réserve », a-t-il ajouté.
La « Dame de Rangoon » appelle ses partisans à se montrer patients
Htay Oo s'est dit surpris par l'ampleur de sa défaite dans sa circonscription législative, qui se trouve à Hinthada dans le delta de l'Irrawady, pourtant considéré comme un bastion électoral de premier plan pour l'USDP dans les campagnes.
« Je ne m'y attendais pas, parce que nous avons pu faire beaucoup pour les gens de cette région », a-t-il confié, avant de lancer : « Quoi qu'il en soit, c'est la décision du peuple. »
Aung San Suu Kyi est venue au siège de son parti ce lundi matin à Rangoon. Visiblement heureuse, mais prudente, elle a demandé à ses partisans d’attendre la proclamation officielle des résultats définitifs pour célébrer une victoire. « Il est important de gagner dans la dignité », a-t-elle dit. Mais de préciser : « Le peuple a déjà une idée des résultats. » Avec une majorité absolue des sièges à la Chambre basse du Parlement, la LND pourra faire élire ses candidats à la présidence et à la vice-présidence du pays.
Aung San Suu Kyi, opposante historique désormais aux portes du pouvoir
Aung San Suu kyi ne pourra pas elle-même devenir chef de l’Etat. La Constitution le lui interdit. Malgré cela, elle a d’ores et déjà déclaré qu’elle dirigerait le pays, sans préciser comment.
Il faudra toutefois composer avec l'armée, car la Constitution de 2008 édictée par la junte réserve un quart des sièges de l'Assemblée aux militaires, et ces derniers contrôlent la nomination de certains postes clés du gouvernement : Défense, Intérieur, Affaires étrangères. Les tractations seront longues et délicates. La nomination de ce futur gouvernement n'aura pas lieu avant mars prochain.
Même s’il ne peut être pleinement qualifié d’équitable, notamment car plusieurs millions de personnes ont été exclues du vote, l'essentiel reste que le scrutin de dimanche semble s'être déroulé sans irrégularités majeures, d'après les observateurs internationaux. Après 50 ans de dictature et un début de transition démocratique, la Birmanie devrait vivre sa première alternance politique.
Un peu plus de 24 heures après la fermeture des bureaux de vote, on voyait encore des centaines de personnes devant le siège de la LND, des sympathisants qui attendent l’annonce de la victoire. Ils sont restés sur place malgré la pluie battante. Ils sont regroupés sur des trottoirs, complètement trempés pour la plupart d’entre eux, de l’eau jusqu’aux chevilles, agrippés à leurs parapluies.
→ à (ré)écouter : Décrytapge avec l'invité de la m-journée sur RFI, Olivier Guillard, directeur à l'IRIS