« La réponse de Taïwan au Covid-19 a été parmi celles qui ont été les plus efficaces au monde, et cela reflète la nature ouverte, transparente, démocratique de la société et de la culture de Taïwan », a déclaré Alex Azar lors de son entretien avec Tsai Ing-wen. La présidente taïwanaise est la bête noire de la Chine qui l'accuse de rechercher l'indépendance formelle de l'île de 23 millions d'habitants.
Tsai Ing-wen a remercié en retour les États-Unis d'avoir soutenu ses efforts pour que Taïwan soit admis en tant qu'observateur à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), alors que Pékin a obtenu d'exclure l'île de l'agence onusienne. Un refus que la présidente a jugé « hautement regrettable ». « Des considérations politiques ne devraient jamais prendre le pas sur les droits à la santé », a-t-elle soutenu.
Arrivé ce dimanche pour une visite de trois jours, le secrétaire à la Santé est le responsable américain de plus haut rang à se rendre à Taïwan depuis 1979. Cette année-là, les États-Unis avaient rompu leurs relations diplomatiques avec Taipei, capitale de l'île, afin de reconnaître le gouvernement communiste basé à Pékin comme le seul représentant de la Chine. Les Américains restent toutefois, avec une certaine ambiguïté, l'allié le plus puissant du territoire insulaire et son principal fournisseur d'armes.
« Partenariat profond » entre Washington et Taipei
Ce voyage intervient dans un contexte de tensions croissantes entre Washington et Pékin, qui s'opposent sur tout un tas de sujets : du dossier hongkongais aux questions commerciales, en passant par les responsabilités dans la pandémie de coronavirus.
Il y a quelques jours, le gouvernement chinois a présenté la visite d'Alex Azar comme une menace pour « la paix et la stabilité ». Des critiques balayées par le secrétaire à la Santé : « Le message du gouvernement américain que je porte consiste à réaffirmer le partenariat profond qui unit les États-Unis et Taïwan en matière de sécurité, de commerce, de santé et nos valeurs communes que sont la démocratie, la liberté économique et la liberté », a lancé Alex Azar aux journalistes avant de rencontrer la présidente.
La République populaire de Chine considère Taïwan comme une de ses provinces. L'île est dirigée par un régime rival qui s'y était réfugié après la prise du pouvoir des communistes sur le continent en 1949, à l'issue de la guerre civile chinoise. Taïwan n'est pas reconnu comme un État indépendant par l'ONU. Et Pékin menace de recourir à la force en cas de proclamation formelle d'indépendance à Taipei ou d'intervention extérieure - notamment de Washington.
Moins de 500 cas de Covid-19 à Taïwan
Alex Azar s'était montré critique de l'attitude de la Chine face à une pandémie apparue sur son sol, et sur celle de l'OMS. Une position qu'il a de nouveau tenue lundi. Taïwan « a su dès le début [...] qu'il ne fallait pas faire confiance aux affirmations provenant de là [Pékin, NDLR] et aux validations faites par l'Organisation mondiale de la santé », a-t-il dit.
Taïwan est un des territoires qui a le mieux géré la crise du coronavirus. En dépit de sa proximité géographique et commerciale avec la Chine continentale d'où est partie l'épidémie, l'île a enregistré moins de 500 cas de coronavirus et seulement sept décès.
Les États-Unis, de leur côté, sont le pays où la maladie a fait le plus de morts, soit plus de 160 000 décès. Et les détracteurs du président américain Donald Trump l'accusent de durcir le ton contre Pékin pour mieux faire oublier les errements de son administration dans le combat contre le Covid-19, à trois mois de la présidentielle.
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Ligne rouge de Pékin
L'administration Trump est consciente des risques d'escalade sur la question de Taïwan, l'une des plus sensibles pour la direction du Parti communiste chinois. Elle s'est abstenue de franchir la ligne rouge de Pékin : une visite à Taipei de responsables américains en charge des questions de sécurité nationale.
Dans les années 1990, des responsables américains du Commerce extérieur se sont rendus à plusieurs reprises à Taïwan. La différence cette fois, c'est le contexte : Alex Azar se rend à Taipei au moment où les relations avec la Chine sont au plus mal.
Brève incursion aérienne chinoise au-dessus des eaux de Taïwan
La Chine avait promis des mesures de rétorsion contre la visite du responsable américain à Taipei, sans préciser leur nature. Ce lundi, des avions de chasse chinois J-11 et J-10 ont brièvement franchi la ligne séparant les eaux de Chine continentale de celles de Taïwan dans le détroit de Taïwan, ont annoncé les autorités de Taipei. Une brève incursion vers 9h (1h TU), peu avant la rencontre entre Alex Azar et la présidente Tsai Ing-wen, a annoncé l'armée de l'air de Taïwan.
Les appareils chinois ont été suivis par les batteries de missiles anti-aériens et par l'aviation taïwanaises, précise le communiqué de l'armée. Il s'agit de la troisième incursion seulement d'appareils chinois au-delà de la ligne séparant les eaux territoriales des deux pays dans le détroit de Taïwan.
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