Journée de colère à Hong Kong: un jeune manifestant blessé par balles

Ce 1er octobre à Hong Kong a été décrété jour de colère par les manifestants pro-démocratie qui veulent défier Pékin le jour des 70 ans du régime communiste. Un manifestant a été blessé à la poitrine par un tir à balles réelles.

Avec notre envoyé spécial à Hong KongVincent Souriau

Ils sont maintenant des milliers de manifestants à marcher sur Hennessy Road, l’artère principale du centre de Hong Kong. Un manifestant a été touché à la poitrine par un tir à balle réelle de la police, lors des affrontements entre protestataires et forces de l'ordre. La nouvelle s’est répandue très vite, grâce aux messageries instantanées.

La presse parle d’un tir à bout portant visant un très jeune homme, 15 ou 16 ans maximum qui se trouverait dans un état critique. Il est en train d’être transféré dans un service de chirurgie cardiothoracique à l’hôpital Queen Elizabeth.

La journée avait commencé calmement mais le début de soirée est chaotique. Les services hospitaliers parlent d’ores et déjà d’une quinzaine de blessés. Il y a eu des centaines d’arrestations, des perquisitions. La police cherche les ateliers de fabrication de cocktails molotov et les forces de sécurité sont déployés sur plusieurs fronts : au moins cinq quartiers de la ville où les manifestants les plus déterminés, toujours masqués, arnachés, munis de masques à gaz sont au contact des policiers antiémeutes.

On sait qu’ils ont tiré à balles réelles au minimum à cinq reprises aujourd’hui. Et la jeunesse que l’on croise en ce moment dans les rues de Hong Kong en pleure de rage,  des gens en larmes nous l’ont dit : «il n’y a plus de retour en arrière ». Mobilisés depuis juin, les militants pro-démocratie ont bravé l'interdiction de manifester pour crier encore plus fort, à l'occasion de ces célébrations, leur ressentiment à l'encontre du régime chinois, dénoncer le recul des libertés.

Six manifestations en même temps

La stratégie du collectif pro-démocratie ? Six manifestations en même temps dans différents quartiers de la ville afin de mobiliser le maximum de manifestants.

L’idée, c’est d’éviter un cortège unique qui pourrait être encerclé rapidement par la police. Les organisateurs veulent rassurer les familles, les citoyens lambda qui ont envie de descendre dans la rue, mais qui ont pris peur ces derniers jours après les affrontements violents entre la jeunesse et les forces de sécurité.

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L’atmosphère était très sereine avant ces manifestations. On a vu tout à l'heure des passants faire leurs courses, aller à l’église, des gens jouer au tennis dans les parcs publics, faire leur jogging, comme si de rien n’était. En revanche, les bâtiments publics sont barricadés : le siège du gouvernement, le Parlement, les grandes banques chinoises également.

Les autorités de Hong Kong ont fait monter des murs de protection, retirer le mobilier urbain qui pourrait servir de projectile. Plusieurs grands centres commerciaux ont décidé de fermer leurs portes avant les manifestations. Il y a en tout 6 000 policiers déployés en ville.

Un pays, deux systèmes

Les manifestants ne croient pas aux promesses de Xi Jinping. « C’est ridicule, c’est des mots, c’est du vent, dit un manifestant. La Chine est obsédée par Hong Kong, son but, c’est toujours la même chose : qu’on devienne une région chinoise, point barre. Ils n’ont jamais arrêté, que ce soit en nous retirant des libertés, ou en faisant venir ici des gens de Chine continentale pour nous noyer dans la masse. Tout ce qu’ils veulent, c'est qu’on fusionne avec eux. Et ça ne va pas changer maintenant. »

Et puis il y a ce principe : un pays, deux systèmes. Une règle imposée par la Chine qui en réalité, protège de moins en moins Hong Kong.

« C’est une règle très fragile, estime ce jeune homme masqué qui ne veut pas donner son nom. On le voit puisqu’on a déjà beaucoup moins d’autonomie qu’avant. Ça a commencé en 2012 avec un chef de l’exécutif ultra pro-Pékin qui s’est mis à la botte du Parti communiste chinois. En fait, un pays deux systèmes, c’est qu’une notion, c’est une théorie, et les Chinois en font ce qu’ils veulent. Donc, c’est pas du tout une garantie. »

Ce qu’ils attendent de la Chine ? Absolument rien. Les protestataires demandent à la communauté internationale de sa mobiliser pour garantir leur indépendance.

 


Des commerçants pro-démocratie qui assument leurs positions

Table en bois, éclairage tamisé, décoration industrielle. C’est un petit bar à la mode. Le gérant s’appelle Mandy, et ça ne le dérange pas du tout d’être catalogué pro-démocratie. Il ne s’en cache pas, il soutient le mouvement de contestation.

« Ce qui s’est passé, dit-il, c’est qu’en juillet, pendant les manifs, il y avait des jeunes gars coincés dehors sous les lacrymos qui ne pouvaient pas rentrer chez eux. Je les ai invités à entrer dans le bar, je les ai mis à l’abri, et je pense que c’est comme ça que j’ai été désigné proche du mouvement. »

Risque d’escalade

Le risque d’escalade, pointer du doigt certains commerces pro-Pékin ou pro-démocratie ? Est-ce que ce n’est pas encourager la violence ? Pour lui, les deux camps ont déjà passé ce stade.

« De toute façon on a pas le choix, poursuit-il. Vu la situation, si tu es soi-disant “neutre”, si tu caches tes opinions, c’est que d’une certaine manière tu es déjà en train de prendre position. Tu vas juste te cacher pour éviter d’avoir des problèmes. N’essaie pas de fuir la politique parce qu’elle va te trouver. On en est là. Donc autant rendre tout public, comme ça, il n'y a plus d'ambiguïté. »

Ça n’est pas arrivé, mais si je suis visé par le camp pro-chinois, les copains viendront me défendre, dit-il. Avec les applications mobiles ou même des passants, en 5 minutes, j’aurai du monde de mon côté.

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