Gui Minhai, 53 ans, qui commercialisait à Hong Kong des ouvrages ridiculisant le régime communiste, avait été arrêté par des policiers en civil le 20 janvier 2018 dans un train chinois l'emmenant à Pékin, où il avait pris rendez-vous avec un médecin spécialiste suédois, redoutant d'être atteint de la maladie de Charcot. Il était alors accompagné de deux diplomates suédois, et Stockholm avait dénoncé une interpellation « brutale » et « contraire aux règles internationales fondamentales sur le soutien consulaire ».
Seconde disparition du libraire
Le 7 février, Pékin a confirmé détenir l'éditeur, qui disparaissait ainsi pour la seconde fois dans des circonstances troubles. Mais, désormais, Gui Minhai a accusé la Suède de faire du « sensationnalisme » autour de son arrestation, dans une vidéo qui émane d'une « interview » organisée le 9 février par les autorités avec des médias chinois triés sur le volet, selon les explications de ces derniers.
M. Gui ajoute dans ce document avoir fait l'objet de pressions des autorités suédoises pour quitter la Chine malgré l'interdiction qui lui est faite de quitter le territoire en raison d'affaires juridiques pendantes. « J'ai refusé plusieurs fois. Mais parce qu'ils m'incitaient sans arrêt, je suis tombé dans le panneau. Rétrospectivement, je suis peut-être devenu le pion de la Suède dans un jeu d'échecs. J'ai violé la loi à leur instigation. Ma vie merveilleuse est ruinée et je ne ferai plus jamais confiance aux Suédois », lance-t-il enfin. On ignore si ces déclarations filmées sont sincères ou ont été prononcées sous la contrainte. Dans la vidéo, on le voit flanqué de deux policiers, et un ami proche a déclaré qu'il ne « fallait pas les croire ».
Comment « croire les paroles de celui qui est opprimé comme un prisonnier ? »
Gui Minhai était l'un des cinq libraires de Hong Kong qui s'étaient volatilisés en 2015. Il avait disparu lors de vacances en Thaïlande avant de réapparaître dans un centre de détention chinois et d'« avouer » à la télévision d'Etat son implication dans un accident de la route meurtrier plusieurs années auparavant. La famille de M. Gui n'était pas immédiatement joignable mais le poète dissident Bei Ling, l'un de ses amis, a déclaré qu'il n'y avait « aucun doute » que l'éditeur avait voulu aller se faire soigner à l'étranger, et affirmé à propos de la vidéo qu'on ne pouvait pas « croire les paroles de quelqu'un qui est opprimé comme un prisonnier ? »
(avec AFP)