L'histoire de Wang Enlin est un peu celle de David contre Goliath. Ce modeste agriculteur de la province du Heilongjiang, à l'extrême nord-est de la Chine, s'attaque à Qihua, une filiale du géant ChemChina, spécialisée notamment dans le traitement chimique du pétrole brut.
Ayant quitté l'école à 10 ans, c'est en autodidacte qu'il a appris le droit, à l'aide d'un vieux dictionnaire lui permettant de déchiffrer les termes juridiques d'un manuel sur la protection environnementale. Il est parvenu a entraîner derrière lui tout un groupe de villageois qui accusent Qihua d'avoir rendu leurs terres impropres à l'agriculture. Le niveau de mercure dans les sols est encore aujourd'hui tellement élevé qu'il est impossible de les cultiver.
Et Wang Enlin a gagné. En février dernier, la justice a ordonné à l'entreprise de dépolluer les 28 hectares de son site et de verser un total de 106 000 euros à 55 familles pour compenser la perte de leurs récoltes. Mais le jugement a été cassé en appel. Il en fallait plus pour décourager l'agriculteur. Persuadé que la loi est de son côté, il a décidé de contre-attaquer.
En une décennie, le nombre d'affaires de pollution traitées par la justice chinoise a été multiplié par dix. Et certains plaignants ont obtenu gain de cause. A 64 ans, Wang Enlin n'est pas certain d'obtenir réparation de son vivant. Mais il dit mener son combat pour les générations futures.