De notre correspondant à Séoul en Corée du Sud,
Le site s’appelle Manmulsang, ce qui signifie « le magasin aux dix mille produits ». Il n’est pas accessible depuis l’extérieur, mais seulement depuis l'Intranet nord-coréen, très surveillé, et auquel on ne peut accéder que depuis un ordinateur ou un téléphone portable situé à l’intérieur des frontières du pays.
Mais le site spécialisé NK News a obtenu des photos d’écrans de cet Amazon version Corée du Nord, qui compte déjà 3,2 millions de visites cumulées. On y vend et on y achète en ligne des vêtements, des produits cosmétiques, des ordinateurs, des panneaux solaires...
Son interface imite celle de Windows 8, ainsi que celle de Naver, le principal site-portail de Corée du Sud ! « Avec 23 000 visites par jour, cela en fait sans doute le site internet nord-coréen non-gouvernemental le plus visité », remarque NK News.
Qui sont les utilisateurs de ce site de commerce ?
Les Nord-Coréens ordinaires sont-ils la cible de Manmulsang ? Sans doute pas. Le site semble être réservé aux hommes d’affaires et aux entreprises semi-privées. Lui-même a été fondé par une société privée. Son succès est ainsi un signe de plus de l’émergence d’une classe de petits commerçants et d’une économie capitaliste dans une Corée du Nord qui a longtemps cherché à bannir les marchés.
Les Nord-Coréens appellent donju (« maître de l’argent ») ces nouveaux capitalistes enrichis grâce au marché noir. Le fait que le régime les autorise à présent à faire des affaires en ligne montre qu’il tolère leurs activités. Toujours selon le site NK News, on estime à environ 10 000 le nombre de ces donjus. Or, « l'Amazon nord-coréen » compte justement 15 000 inscrits.
Pas le premier site du genre sur l'Intranet nord-coréen
En avril 2015, le gouvernement de Pyonyang a lancé Okryu, un site d’achat destiné semble-t-il aux élites. On peut payer avec une carte de crédit. En août dernier, la Corée du Nord a aussi dévoilé Manbang, sorte de Netflix local, qui offre aux téléspectateurs des vidéos à la demande et permet de voir des rediffusions des cinq chaînes d’Etat.
Rappelons qu’il y a plus de 3 millions de téléphones portables en service en Corée du Nord, mais qu’ils ne permettent ni d’appeler à l’étranger ni d’aller sur la Toile mondiale. Le régime semble ainsi vouloir faire des efforts pour offrir des services « modernes » à ses citoyens, tout en continuant de les contrôler le plus étroitement possible.