C’est le plus vaste scandale politico-financier qu’ait connu la Corée contemporaine, c’est aussi l’un des plus rocambolesques. Tout commence par la découverte d’une tablette dans une poubelle en Allemagne. L’ordinateur portable appartient à Choi Soon-sil, la confidente de la chef de l’Etat. Il contient des dizaines de discours de la présidente sud-coréenne ainsi que des notes confidentielles.
Park Geun-hye est-elle la marionnette de sa conseillère de l’ombre que désormais les médias surnomment « Raspoutine » ? Les enquêteurs s’intéressent particulièrement aux virements effectués par les conglomérats sur le compte de deux fondations Mir et K-Sport appartenant à la sulfureuse confidente.
Celui qui a vendu la mèche est un ancien membre de l’équipe sud-coréenne de sabre, ancien employé d’un bar de gogo-dancer et probablement ancien amant de Choi Soon-sil. Lors d’une audition publique mercredi, ce dernier explique que Choi lui a confié son chien à garder, qu’il a dû s’absenter de l’appartement et qu’ils se sont violemment disputés ensuite, d’où sa décision de parler aux médias.
Un mauvais Korean Drama en quelque sorte, qui a fait sortir jusqu’à deux millions de personnes dans les rues du pays bougies à la main. Trafic d’influence, corruption, le scandale touche à tous les secteurs de la société et pointe du doigt les dérives des « chaebols », les grands groupes possédés par les familles les plus riches du pays.
Honteux pour l’image de leur pays, les protestataires ont fait pression jusqu’au dernier moment sur les parlementaires pour qu’ils votent la destitution. Avec l’affaire du « Choi Gate » a ressurgi le souvenir douloureux de la perte de près de 300 lycéens lors du naufrage du ferry Sewol en 2014. La chef de l'Etat étant accusée d'avoir réagi de manière inadéquate à la tragédie. Selon les derniers sondages, huit Sud-Coréens sur dix souhaitent le départ de la présidente Park Geun-hye.
La pression de la rue
Face à une présidente qui refuse de démissionner, les partis sud-coréens se sont longtemps disputés sur la marche à suivre. Mais la pression des manifestations monstres organisées chaque samedi a forcé les partis à agir et des députés du camp de Park Geun-hye se disent prêts à voter sa destitution.
Notre correspondant à Séoul, Frédéric Ojardias, a rencontré Park Jin, l'organisatrice du « Mouvement pour la démission de Park Geun-hye ». Une alliance de 1 600 associations civiques responsable de l'organisation des monumentales veillées aux chandelles qui font vaciller la présidence. Samedi dernier, ils étaient 1,7 million de manifestants à Séoul, un record historique.
« S'il n'y avait pas les voix de tous ces citoyens qui sortent chaque semaine sur la place centrale pour exiger la démission de la présidente, ce vote de destitution au Parlement n'aurait pas eu lieu », assure Park Jin.
Une fois la destitution votée, ce sera ensuite à la Cour constitutionnelle de la valider. « Cette cour a déjà pris des décisions fallacieuses dans le passé. Mais cette fois, elle devra écouter la colère des citoyens, avant toute chose. C'est pourquoi il n'y a aucune raison pour que nous éteignions nos bougies. Vous verrez nos bougies briller tant que Park Geun-hye sera en place », prévient Park Jin.
La Cour constitutionnelle dispose en théorie de 180 jours pour prendre sa décision. Mais elle pourrait le faire plus tôt, notamment quand les résultats de l'enquête qui vise la présidente seront connus.