C'est une première : le Japon, pays d'Hiroshima et de Nagasaki, va fournir des technologies nucléaires et du carburant à l'Inde, une nation capable de produire une bombe atomique, qui se livre à des essais nucléaires et qui n'est pas signataire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
Notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles, explique que cet accord intervient au moment où Westinghouse, le constructeur américain de centrales nucléaires, propriété du conglomérat Toshiba, est en négociations avancées avec New Delhi pour la livraison de six réacteurs. Ces derniers sont destinés à multiplier par dix la production d'électricité nucléaire dans le sud de l'Inde.
Jusqu'à présent, New Delhi avait déjà signé 11 accords de coopération nucléaire civile avec des pays comme l'Australie, les Etats-Unis ou encore la France, rappelle Gilles Boquérat, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Mais ça n'avait pas encore été le cas avec le Japon, pays où le sujet est sensible.
« C'est vrai que l'Inde n'a pas signé le Traité sur la non-prolifération nucléaire, ni même le Traité sur l'interdiction complète des essais nucléaires. Donc, du côté japonais, on était réticent à signer un accord qui ne contiendrait pas une clause prévoyant une annulation du contrat en cas d'essai nucléaire indien », explique M. Boquérat.
Le Japon, qui est aussi le pays où s'est déroulé en 2011 le drame de Fukushima, entend maintenir une capacité nucléaire importante. Le président élu Donald Trump l'a même incité, pendant la campagne présidentielle américaine, à produire sa propre bombe atomique pour assurer sa sécurité sans se reposer entièrement sur le soutien des Etats-Unis.
De leur côté, les grands groupes japonais comme Mitsubishi Heavy et son partenaire français Areva, ou encore Hitachi, en coopération avec l’Américain General Electric, cherchent à augmenter leurs parts du marché mondial des centrales nucléaires. Ce rapprochement indo-japonais, dans le nucléaire civil mais aussi la défense, est également destiné à contenir la montée en puissance de la Chine dans la région.
« Les Pakistanais vont probablement mettre en doute le fait qu'en aidant le développement du nucléaire civil indien, cela n'aura pas du tout de conséquences sur la capacité nucléaire militaire indienne. Mais d'un autre côté, le Pakistan a une vieille coopération dans le domaine nucléaire avec la Chine, et l'on pourrait faire la même objection dans le cadre de cette coopération », observe Gilles Boquérat du FRS.
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