Pakistan: libération du suspect du lynchage d’un couple accusé de blasphème

Au Pakistan, le principal suspect du lynchage d’un couple de chrétiens vient d’être libéré, après le refus du policier en charge du dossier de le désigner comme responsable. En novembre 2014, une foule avait torturé et brûlé vif les deux accusés de blasphème. Dans ce pays de 200 millions d’habitants, les accusations de blasphème sont une menace permanente qui peut mener à la mort. Un avocat en a fait son combat au péril de propre vie.

Avec notre correspondant à Islamabad,  Michel Picard

Maître Saïf-ul-Malook ne se déplace que sous escorte policière entre son domicile, le tribunal de Lahore où il officie et son bureau gardé par des hommes en arme.

Parmi ses clients, plusieurs vingtaines sont condamnées à mort pour blasphème, dont Asia Bibi. Cette chrétienne, condamnée en 2010 après une simple dispute avec des voisines musulmanes. « Jusqu’à ce que la Cour suprême se prononce sur son appel, elle est sous la protection des lois pakistanaises. Personne ne peut la tuer », peste l’avocat.

Le mois dernier, des dizaines de milliers de manifestants réclamaient pourtant sa mort. Ils protestaient contre la pendaison de Mumtaz Qadri, assassin d’un gouverneur favorable à un assouplissement de la loi anti-blasphème. Maître Mulook, à l’époque procureur dans ce procès, est devenu la bête noire des islamistes.

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Promulguée en 1986, la loi sur le blasphème permet de condamner à la prison à vie toute personne ayant insulté le Coran et à la peine de mort quiconque injurie le prophète. Un texte souvent détourné pour régler des différends familiaux ou de voisinage.

« L’ensemble de la société est de plus en plus fondamentaliste. L’émotion religieuse prend le pas sur la logique et l’exactitude. Même si vous dites quelque chose de tout à fait exact, vous pouvez faire être pris à partie par une foule en furie », explique Saïf-ul-Malook.

Difficile, voire impossible, dans de nombreux milieux pakistanais de débattre de cette loi très sensible sans courir le risque d’être à son tour accusé de blasphème.
 

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