En costume civil et l’air grave, le général Prayuth Chan-ocha a voulu montrer qu’il était un leader ferme sur qui le royaume pouvait compter dans ces temps incertains, relate notre correspondant à Bangkok,Arnaud Dubus. En l’absence du roi de Thaïlande, trop malade pour intervenir, il s’est présenté comme un recours pour les Thaïlandais encore abasourdis par l’explosion tragique de lundi soir.
« Je souhaite que tous les Thaïlandais, quelle que soit leur région d’origine et leur métier, prêtent main-forte à toutes les agences du gouvernement et qu’ils joignent leurs mains pour pouvoir aller de l’avant, pour combattre le fléau du mal, et tous les dangers que nous sommes en train d’affronter, qu’il s’agisse des dangers visibles ou des dangers invisibles, a déclaré le chef de la junte. Nous devons faire preuve d’unité et de solidarité. C’est ainsi que nous pourrons surmonter les obstacles quels qu’ils soient et progresser vers l’avenir. »
Un engin explosif lancé sur les passants
Un ton résolu et combatif, celui d’un officier militaire habitué à rallier ses troupes face aux situations extrêmes. Prayuth Chan-ocha a aussi tenu à rassurer les résidents étrangers dans le royaume et les touristes en leur garantissant que de strictes mesures de sécurité étaient mises en place pour les protéger. Une grande partie des victimes de l’attentat de lundi soir sont en effet des touristes asiatiques en visite en Thaïlande.
D’autant que la tension ne retombe pas à Bangkok. Ce mardi, un petit engin explosif a été lancé sur des passants près d'une station de métro aérien dans le centre de la capitale. « Personne n'a été tué ou blessé. La police est sur les lieux pour enquêter et rechercher le type de dispositif utilisé », a précisé à l'AFP un officier de ce quartier de Bangkok, sous le couvert de l'anonymat.
Coupable désigné
Du côté de l’enquête sur l’attentat d’hier, la junte n'a pas attendu longtemps pour désigner les coupables. Alors que les enquêteurs continuent de rechercher des indices et que l'attentat n'a toujours pas été renvendiqué, Prayuth Chan-ocha semble d'ores et déjà convaincu que le suspect, identifié par des caméras de vidéosurveillance, est lié à un groupe anti-junte basé dans le nord-est du pays.
Cette région est considérée comme le bastion des chemises rouges, fidèles au clan des Shinawatra, et qui ont porté au pouvoir par les urnes Thaksin, puis sa soeur Yingluck, tout deux accusés de corruption et renversés par des coups d'Etat militaire en 2006 puis en 2014.
A chaque fois, l'armée s'est imposée en juge dans le conflit opposant les chemises rouges à l'élite de Bangkok et du sud. Force est de constater que le pays plonge chaque jour un peu plus dans une dérive autoritaire. Le général Prayuth a beau promettre des élections libres et démocratiques, il ne cesse de les reporter, désormais à août voire septembre 2016. D'ici là, la junte prévoit de réécrire la Constitution pour s'assurer les pleins pouvoirs.
■ L’économie thaïlandaise un peu plus pénalisée
L'attentat qui a eu lieu ce lundi à Bangkok et qui a causé la mort de 20 personnes a des conséquences immédiates sur l'économie du pays. Ce mardi matin, le cours du baht, la monnaie locale, s'est effondré : il a atteint son plus bas niveau depuis 6 ans. Et la bourse de Bangkok est en baisse.
Déjà, la crise politique, puis le coup d'Etat avaient fortement ralenti l'économie du pays. La croissance était d'ailleurs passée de plus de 6 % en 2012, à 0,7 % seulement l'an dernier.
Il faut dire que le tourisme, qui représentait plus d'un dixième du PIB thaïlandais au moment du coup d'Etat, a directement fait les frais de cette instabilité politique.
Certes, depuis le début de l'année, la situation s'est un peu améliorée. Au premier trimestre, la croissance était de 3 %. Mais cela est surtout dû au retour progressif des touristes : la fréquentation a augmenté de plus de 13 % en un an. Et l'attentat d'hier risque de plomber à nouveau ce secteur clé.
Surtout, les chiffres de la croissance sont en dessous des prévisions. Car les autres indicateurs restent dans le rouge : les exportations ont diminué de 1 % en un an. Et l'endettement des ménages s'accélère.
Pour relancer l'économie, la junte a pris des mesures critiquées, comme le milliard d'euros accordé aux riziculteurs, vu comme un acte populiste. Et le gouvernement n'a toujours pas engagé de réformes de fond, pour relancer les exportations notamment.