Avec notre correspondante à Phnom Penh, Anne-Laure Porée
L’arrestation du sénateur d’opposition pose deux problèmes. D’abord un problème de forme : bien qu’il soit protégé par son immunité parlementaire, Hong Sok Hour a été interpellé directement sur ordre du Premier ministre. Deux jours auparavant, dans un discours devant des étudiants, Hun Sen l’avait accusé de « trahison » et avait lancé la police à ses trousses. Avec cet exemple de justice aux ordres du pouvoir exécutif, Hun Sen prête le flanc à ceux qui dénoncent son autoritarisme et ses manœuvres d’intimidation contre l’opposition.
Quant au problème de fond, c’est celui d’un document officiel grossièrement falsifié et diffusé sur Internet. Cette falsification d’un article du traité d’amitié et de coopération entre le Cambodge et le Vietnam, signé en 1979 après la chute des Khmers rouges, et qui avait rétabli les relations diplomatiques, suggère que les deux pays négocieraient en vue d'éliminer les frontières nationales, alors que la version réelle affirme qu’ils vont travailler à « définir » la frontière pour garantir la paix. De quoi alimenter la rhétorique anti-vietnamienne, centrale dans le débat politique cambodgien.
Le sénateur Hong Sok Hour assure qu’il ne savait pas que le document qu'il a partagé sur Facebook était un faux. Mais cette affaire est une aubaine pour le gouvernement, accusé par l’opposition de travailler sur le tracé frontalier avec de mauvaises cartes, laissant le Vietnam empiéter sur le territoire national. La partie de ping-pong qui se joue sur la question de cette frontière promet d’être longue. Elle attend d’être résolue depuis les années 1960. Elle nécessiterait un consensus entre les partis politiques cambodgiens pour négocier avec le puissant voisin. Car même avec des cartes et des traités, les litiges ne se régleront qu’avec les Vietnamiens.