Ils ne sont pas aussi nombreux qu’il y a un an, mais le symbole des manifestations de septembre et octobre 2014 a fait sa réapparition ces derniers jours à Hong Kong. Des parapluies, ou plutôt des ombrelles ont de nouveau été brandis jeudi 18 juin lors d’un rassemblement de centaines d’opposants à la loi devant les bâtiments du Legco (le Conseil législatif de Hong Kong). Ces manifestants n’étaient d’ailleurs pas les seuls à scander des slogans. En face, des centaines de partisans du gouvernement, qualifiés de « pro Pékin » par les médias locaux, ont agité des drapeaux chinois et des banderoles favorables à la réforme.
Shakespeare et Orwell
Ce rejet du texte a été précédé mercredi au Parlement de joutes oratoires épiques raconte le South China Morning Post. Des extraits de William Shakespeare ou de Georges Orwell ont été lus à la tribune. Qu’est-ce que l’identité hongkongaise, quid de l’autonomie dont jouit la région administrative spéciale chinoise, quel est le poids de Pékin ? Toutes ces questions traversent la société hongkongaise depuis la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine il y a 18 ans.
Ce rejet de la réforme proposée par Pékin risque donc ici de raviver les divisions au sein de la population comme à l’automne 2014. Il existe désormais deux camps bien distincts à Hong Kong. D’un côté, les pro-Pékin qui mettent en garde sur le thème : la réforme ou le « chaos social » comme l’écrivait mercredi le Quotidien du Peuple évoquant de grands risques pour l’économie hongkongaise. Et de l’autre, des opposants au texte qui considèrent que cette réforme est une « parodie de démocratie » qui ne ferait qu’inféoder davantage la région administrative spéciale au pouvoir chinois.
Gifle pour Pékin
Quelle est cette réforme qui pousse à nouveau les Hongkongais dans la rue ? Sur le papier le projet parait sympathique, puisque, officiellement, il s’agit pour la première fois d’instaurer le suffrage universel dans l’ex-colonie britannique, sachant qu’aujourd’hui le chef de l’exécutif est désigné par un texte de Grands Electeurs loyaux à Pékin. C’est d’ailleurs l’argument massue de ceux qui ont voté oui.
Ce texte constitue en apparence une avancée démocratique par rapport à la loi en vigueur. Mais pour les opposants, il s’agit là d’une réforme en trompe-l’œil. Le Parti communiste chinois se réserve en effet le contrôle du processus, le projet de loi prévoyant que seuls deux ou trois candidats adoubés par un comité fidèle au pouvoir chinois pourraient se présenter.
A Pékin, le Comité central du PCC fulmine. Car il s’agit quand même ici d’une gifle pour le pouvoir communiste. Aucune voix n’a manqué en effet au camp pro-démocratie jeudi. Ce rejet massif du projet est aussi un acte de défiance à l’égard de Pékin qui, encore une fois, a plusieurs fois mis en garde contre les risques d’instabilité sociale si la réforme n’était pas adoptée. L’argument n’est pas nouveau, mais il est depuis quelques jours particulièrement martelé par la fanfare de la presse officielle.
Carabines à air comprimé
Le très nationaliste Global Times à Pékin tonne contre les fauteurs de troubles et annonce des « jours sombres » pour la « démocratie » de Hong Kong. La sécurité a été renforcée en ville et notamment autour du Parlement. La police affirme vouloir prévenir l’intrusion de radicaux, après l’arrestation de dix personnes dans des circonstances encore obscures. Ces individus sont soupçonnés de fabriquer des explosifs, et appartiendraient à un « groupe radical ».
La police dit aussi avoir découvert des carabines à air comprimé, des masques et des cartes du territoire. Par ailleurs, des produits chimiques ont été retrouvés dans le district de Sai Kung au nord-est de Hong Kong rapporte l’AFP. Des produits pouvant servir à la fabrication de peroxyde d’acétone, un explosif puissant. Selon le South China Morning Post, les suspects affirment avoir été menacés par les forces de l’ordre.