La Birmanie sauve des migrants en mer, mais compte bien les expulser

C'est une première : les autorités birmanes, contraintes de venir en aide aux migrants rohingyas et bangladais au large des côtes du pays, ont effectué un premier sauvetage en mer vendredi 22 mai. Quelque 3 000 réfugiés rohingyas et bangladais sont jusqu'ici arrivés sur les plages d'Indonésie et de Malaisie. Ils fuient les persécutions en Birmanie et la pauvreté au Bangladesh. Jusqu'à présent, les autorités birmanes avaient tendance a négliger le problème et à fermer les yeux sur ces départs.

Les autorités birmanes ont sauvé 208 migrants sur un bateau et les ont ramenés, en remorquant leur embarcation vendredi matin, sur leurs côtes dans le nord de l’Etat d’Arakan. Ils ont été accueillis près de la ville de Maungdaw, point de départ pour de nombreux bateaux bondés d'habitants locaux persécutés, des Rohingyas de confession musulmane fuyant la Birmanie. La marine birmane aurait par ailleurs trouvé en pleine mer une autre embarcation, vide cette fois.

Les 208 migrants rescapés sont tous des Bangladais, affirment les autorités birmanes. « Nous les expulserons », promettent-elles. Le gouvernement birman considère que tous les Rohingyas sont des immigrés illégaux venus du Bangladesh voisin. « Nous leur fournissons une assistance humanitaire. Après cela, nous les renverrons dans leur pays », a déclaré Zaw Htay, porte-parole de la présidence birmane, assurant être déjà « en contact avec les garde-frontières du Bangladesh ».

Cette aide humanitaire apportée par Rangoon en mer est nouvelle, car dans les camps de déplacés à l’ouest de la Birmanie, les candidats au départ et les passeurs ont toujours indiqué que l’armée birmane laissait les bateaux prendre le large, moyennant arrangement et paiement avec les trafiquants. La Birmanie change d’attitude, car elle fait face à une pression sans précédent des gouvernements asiatiques et des Etats-Unis.

Washington demande par ailleurs à la Birmanie d’octroyer la nationalité aux Rohingyas et de leur donner des papiers. Une demande immédiatement rejetée par les autorités birmanes, qui continuent de nier que c’est l’absence de droits - droit à la nationalité, droit de vote, droit de se déplacer -, qui pousse les Rohingyas à l’exil. Plus de 2 000 migrants seraient encore bloqués sur des embarcations en mer d'Andaman, d’après les Nations unies. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon estime que la « première priorité » reste de sauver ces personnes.


• Témoignage d'un réfugié rohingya qui a rebroussé chemin

Ces jours-ci, les passeurs craignent d'être arrêtés, depuis que la police thaïlandaise a démantelé plusieurs filières. Des migrants rohingyas sont donc revenus dans les camps de déplacés qu'ils avaient quittés il y a plusieurs semaines, dans l'ouest de la Birmanie. Muhamad, un Rohingya de 20 ans, est l'un d'eux. Il a passé 51 jours en mer avec 350 autres migrants. Ci-dessous, son témoignage, recueilli par notre envoyé spécial sur la côte birmane à Setama, Rémy Favre :

« Quand nous étions encore près des côtes birmanes, les passeurs sur le bateau ont reçu un appel téléphonique de Malaisie. On leur a dit que la situation était mauvaise là-bas, que la police malaisienne, ou les Nations unies je ne sais pas, arrêtaient les passeurs et les bateaux, et que nous devions faire demi-tour. Les passeurs nous ont dit que nous devions payer 300 dollars pour rentrer, et que si nous continuions en mer, nous mourrions.

J'ai vu 13 bateaux en mer. Il y avait entre 200 et 600 personnes sur chaque bateau. Onze bateaux sont partis. Deux, dont le mien, sont rentrés. Les passeurs nous ont battus. Nous leur avons demandé pourquoi. Ils ont dit qu'ils nous avaient achetés 200 dollars par tête et qu'il fallait rentrer. Nous avons croisé des bateaux de la marine birmane. Les passeurs et la marine sont en lien. Si la marine cause des problèmes aux trafiquants, ils donnent de l'argent, de la monnaie malaisienne ou thaïlandaise. »

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