Au total, ce sont près de 1 400 personnes qui ont été accueillies dans toute la province d’Aceh, ces deux dernières semaines, selon notre correspondante à Jakarta, Marie Dhumières, qui s’est rendue dans le camp de Langsa. Et ce, alors que le gouvernement indonésien refusait jusqu’à mercredi d’accueillir tous les bateaux de migrants.
Des migrants affamés et déshydratés. Selon les témoignages des rescapés, certains sont morts de faim sur les bateaux. Vivian Tan, la porte-parole du Haut commissariat aux réfugiés à Bangkok, confirme les conditions plus que précaires qui règnent à bord des embarcations. « La situation à bord des bateaux est désespérée. […] ils ont été rapidement à court de vivres et les passagers ont commencé à se battre en raison du manque d’eau et de nourriture. »
Violences intercommunautaires
Des affrontements confirmés par les intéressés eux-mêmes, qui évoquent des violences intercommunautaires au sein des embarcations. « Les combats avec les Birmans », répète ainsi Shoykod, en pointant du doigt les blessures de ses compagnons de voyage atroupés autour de lui. L’un a le haut du crâne lacéré, d’autres des coups sur le corps. Cent personnes seraient mortes. Tous étaient sur le même bateau pendant de longues semaines.
Impossible de savoir quel groupe a attaqué l’autre le premier. Pour Mohammad al-Hassan, un Rohingya de 17 ans, c’est le manque d’eau et de nourriture qui a rendu les gens fous. « Tout le monde a perdu la tête. Les Bangladais et les Rohingyas se sont battus, poursuit-il. Les Bangladais ont tué des Rohingyas et les ont jetés à l’eau. Ils les ont tués avec des couteaux, des barres de fer et des planches de bois. Ceux qui savaient nager, comme ceux qui ne savaient pas : tout le monde s’est jeté à l’eau. Ceux qui sont restés, ils leur ont attaché les mains derrière le dos et les ont poussés à l’eau. Donc tout le monde s’est jeté à l’eau pour avoir la vie sauve. Ceux qui ne savaient pas nager sont morts. »
Les pêcheurs d'Aceh au secours des migrants
C’était au milieu de la nuit, Mohammad, Shoykod, et 600 autres migrants ont nagé plusieurs heures, avant d’être repérés par des pêcheurs, et enfin ramenés à terre. Pour les habitants d’Aceh, pas question en effet de les abandonner en mer. Ils sont partis les chercher eux-mêmes. « C’est normal, disent-ils, il faut s’entraider entre musulmans ». Les pêcheurs racontent qu’ils ont rencontré les migrants dans l’eau pendant la nuit. Il y en avait des centaines qui les appelaient à l’aide. Ils en ont fait monter certains dans leurs petits bateaux, puis ont appelé la marine indonésienne, qui a envoyé un plus gros navire. 900 personnes ont été secourues au total vendredi, et puis hier, 400 autres personnes, dont 70 enfants, ont également ramenés à terre par des pêcheurs.
Ces rescapés sont accueillis à Langsa où les habitants veulent aussi les aider. Ils leur apportent de la nourriture. Les hangars dans lesquels sont hébergés les migrants sont remplis de piles de vêtements donnés par les habitants, et les migrants à qui RFI a pu parler leur sont extrêmement reconnaissants de l’aide apportée.
Accueil officiel
Un accueil qui a pris un tour officiel ce mercredi. La Malaisie et l’Indonésie ont, contre toute attente, annoncé qu’elles allaient venir en aide aux migrants et qu’elles cesseraient de repousser les bateaux de migrants hors de leurs eaux territoriales. « Nous devons empêcher des pertes de vies », a ainsi déclaré jeudi le Premier ministre malaisien Najib Razak sur son compte Twitter. Les deux pays ont également précisé qu’ils accepteraient même de les accueillir, provisoirement en tout cas. La condition est qu’il faut qu’ils soient partis d’ici un an, et que la communauté internationale s’occupe de leur relocalisation ou de leur rapatriement.
Les Nations unies ont salué la décision, mais rappellent que l’urgence demeure. Il y aurait au moins 6000 migrants affamés et déshydratés toujours en mer. Il faut maintenant les secourir, et sans délai.
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