Avec notre correspondante à Jakarta,Marie Dhumieres
La Cour suprême indonésienne a rejeté l’ultime recours du Français qui avait demandé un procès en révision. C’est l’un des trois juges qui ont participé à la décision qui l’a déclaré à l’Agence France-Presse ce mardi. Selon le juge Suhadi, il n’y a pas de « nouveaux éléments » permettant la révision du procès.
Le mois dernier, en première audience, pourtant, les juges qui examinaient le dossier du Français avaient refusé d’entendre les nouveaux témoins présentés par la défense. L’avocate indonésienne de Serge Atlaoui, Nancy Yuliana, se refuse, quant à elle, à tout commentaire pour l’instant. Il n’y a pas eu de notification officielle, dit-elle.
Maître Richard Sédillot, l'avocat français de Serge Atlaoui, explique de son côté que c’était le dernier recours judiciaire, mais qu’un recours administratif qui conteste devant la Cour Suprême le rejet par le président de leur demande de grâce - sous prétexte qu'elle n'était pas motivée est entamé. Il est très probable, craint l’avocat, que ce dernier recours soit rejeté et que l’exécution intervienne en même temps que celle de deux Australiens qui ont épuisé tous les recours. « Ce que nous ne savons pas, c’est si les autorités indonésiennes vont attendre l’issue de ce recours pour procéder aux exécutions. En principe, celle de Serge Atlaoui ne doit pas intervenir avant 72 heures, mais le parquet demande une exécution rapide. » Et il ajoute : « On se bat sur tous les fronts et ont va continuer à se battre. »
Serge Atlaoui avait été arrêté dans un laboratoire d’ecstasy en 2005 et condamné à mort en 2007. Il fait partie d’une dizaine de condamnés pour trafic de drogue qui doivent être exécutés prochainement. Les autorités n’ont pas encore communiqué de date, mais le porte-parole du procureur général a affirmé que les exécutions n’auraient pas lieu avant la fin de la conférence de Bandung, qui se termine dans trois jours.
La famille de Serge Atlaoui a imploré François Hollande et l'Union européenne de « mettre tout en œuvre » pour le sauver. « Notre famille en appelle au président de la République, M. François Hollande, et à l'Union européenne pour mettre tout en œuvre pour sauver Serge Atlaoui du peloton d'exécution », a déclaré l'un de ses frères, André Atlaoui, en faisant part de son « désarroi » et de son « incompréhension » face à la décision de la Cour suprême d'Indonésie.
« Un geste de clémence »
La France espère toujours éviter son exécution. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius demande « un geste de clémence » :
« La France est totalement opposée à la peine de mort, que ce soit en France ou à l’étranger. Ce qui nous choque dans cette affaire, c’est bien évidemment le sort de notre compatriote, mais aussi le fait que tout le monde reconnait qu’il n’a joué qu’un rôle mineur, à supposer qu’il a joué un rôle», a déclaré Laurent Fabius lors d'un point de presse au quai d'Orsay, ajoutant que les responsables de l'atelier qui fabriquaient la drogue étaient des Indonésiens et qu'ils n'ont pas été condamnés à la même peine : « Le procès en première instance s’est déroulé dans des conditions extrêmement discutables puisqu’il n’y avait même pas d’interprètes. La procédure elle-même donne lieu à beaucoup de contestation ».
« Nous continuons à espérer un geste de clémence, mais nous sommes extrêmement préoccupés par cette décision et cette menace, qui si elle était mise à exécution aurait évidemment des conséquences sur les relations entre ce pays et la France », a conclu Laurent Fabius.
Neuf étrangers dans les couloirs de la mort
Pas de pitié pour les trafiquants de drogue. Elu en octobre dernier, le président indonésien Joko Widodo avait promis une lutte sans merci contre ce fléau qui touche près de 2 millions de personnes dans son pays. Sans surprise, il a donc rejeté toutes les demandes de grâce qui lui ont été présentées.
Reste le recours d'un Ghanéen dont le sort est aujourd'hui entre les mains de la justice. En tout 10 personnes ont été condamnées à mort en Indonésie pour trafic de drogue. Hormis Serge Atlaoui, les deux Australiens, et le Ghanéen, trois Nigérians, une Philippine et un Brésilien attendent dans le couloir de la mort. Tous ont été transférés dans une geôle de Bali, appelé l'Alcatraz indonésien. Malgré les nombreux appels à la clémence, les mises en garde et les protestations des chancelleries étrangères pour éviter la peine capitale à leurs ressortissants, leur transfert sur l’île de Nusa Kambagan est pourtant le signe que leur exécution est imminente.