Avec notre envoyée spéciale à Hong Kong, Heike Schmidt
Les manifestants campent toujours sur les voies du tramway à Causeway Bay, ce quartier chic et commercial du centre de Hong Kong. Allongés sur des nattes ou assis sur des bâches en plastique, les jeunes discutent et se posent une question : ces hommes masqués, qui ont tenté, hier, de les déloger, vont ils revenir ?
Ici, à Causeway et de l’autre côté de la baie, à Mongkok, les militants pro-démocraties sont devenus la cible des Hongkongais en colère : « Rentrez chez vous » ont crié plusieurs dizaines d’hommes âgés d'une cinquantaine d'années, tout en lançant des bouteilles d’eau en direction des manifestants et en détruisant les tentes à force de coups de pieds.
Timide intervention de la police
La police est intervenue, mais trop timidement aux yeux des protestataires. Ils sont convaincus qu’il s’agissait de bandes organisées, des « triades » comme on appelle la mafia d’ici, envoyés et payés par les autorités pro-Pékin dans le but de provoquer des scènes de chaos.
Pour ce jeune manifestant, « ce sont des gens radicaux qui s'en sont pris aux protestataires. Ces gens sont payés nous ne savons pas par qui, peut-être par les forces pro-gouvernementales ou bien par les communistes. Les policiers sont arrivés, ils ont encerclé les attaquants, mais ils les ont laissé détruire les tentes et le matériel des manifestants. Nous pensons que la police est de mèche avec ces gens et les laissent créer le chaos, afin de s’emparer et de nettoyer les zones occupées. Pourtant, les forces de l’ordre sont censées protéger tout le monde peu importe qui a tort et qui a raison – elles doivent préserver la paix et l’harmonie de la société. La police ne devrait pas tolérer ces actes radicaux et violents. »
Après une semaine de rassemblements pacifiques, l’espoir de négociation s’estompe. Les étudiants menacent de boycotter la rencontre publique avec le responsable de l’administration locale. « Hors de question d’entamer un dialogue, m'a dit un occupant de Central, tant que le gouvernement n'aura pas mis fin aux attaques organisées contre nous ».
A Pékin, après que la censure a tenté en début de semaine d’occulter l’ampleur des manifestations de Hong Kong, nous dit Caroline Puel, notre correspondante dans la capitale chinoise, l’appareil de propagande prend à présent le relais pour tenter de discréditer ce mouvement auprès de l’opinion chinoise. Dans un nouvel article publié ce samedi matin, le Quotidien du Peuple souligne « qu’une démocratie sans respect de la loi conduit au chaos ».
Tous les médias officiels insistent sur les conséquences économiques induites par les manifestations de cette semaine : perturbation des transports, fermeture des écoles, diminution du nombre de touristes venus du continent, baisse de la Bourse, mais également sur « l’irritation des habitants de Hong Kong », présentant le mouvement comme étant animé par « un petit groupe de personnes » qui prennent en otage la population en utilisant la violence et qui menacent l’avenir de Hong Kong.
Conspiration étrangère
Mais les médias officiels chinois commencent également à agiter la théorie de la conspiration étrangère, affirmant que l’objectif caché des manifestants serait de récupérer la direction politique de Hong Kong pour en faire un territoire indépendant.
Cependant, dans les couloirs de Pékin, on parle d’un autre type de conspiration qui cette fois n’apparaît pas dans les journaux. Il s’agirait de la lutte des factions au sein du pouvoir chinois.
Se sentant menacés par la campagne anticorruption lancée par le président Xi Jinping qui a déjà fait tomber plusieurs « tigres », certains mandarins du régime entrés dans le collimateur auraient tout intérêt à une déstabilisation de Hong Kong et à d’éventuels effets sur le territoire chinois pour affaiblir le gouvernement central.