Avec notre correspondant à Kaboul,Joël Bronner
À l’heure de prendre officiellement le pouvoir à Kaboul, le nouveau président Ashraf Ghani paraît déjà affaibli. Cet ancien ministre des Finances pâtit en effet de la crise électorale de plusieurs mois que vient de traverser le pays. Kate Clark est directrice d’Afghanistan Analysts Network, un réseau d’analystes basé à Kaboul. Pour elle, les accusations de fraude électorale, puis le recompte des voix et les laborieuses négociations qui ont suivi le second tour du 14 juin dernier, vont nettement compliquer la tâche d’Ashraf Ghani : « Tout ce processus a réduit les capacités d’action du nouveau président. Il accède au pouvoir bien plus fragilisé que s’il avait bénéficié d’une élection claire et transparente ».
Ashraf Ghani a pour principal soutien les Pachtounes du Sud, tandis qu'Abdullah Abdullah s'appuie sur les Tadjiks du nord du pays. Sous la pression de l'ONU et des États-Unis, les deux rivaux ont accepté de former un gouvernement d'union nationale et Ashraf Ghani a été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle. Lors d'une cérémonie sous haute surveillance à Kaboul, il doit donc devenir président de l'Afghanistan et Abdullah Abdullah, chef de l'exécutif.
Un État gangréné par la corruption
Pour Kate Clark, la priorité de nouvel exécutif à deux têtes sera de lutter contre la corruption qui gangrène l’État. Une condition qu’elle estime essentielle pour que le pouvoir central de Kaboul retrouve une réelle crédibilité. « L’ensemble de l’administration est concerné par la corruption, explique-t-elle. Si l’élite de ce pays ne s’occupe pas sérieusement de mettre en place un État respectable, c’est une résurgence des talibans qui est à craindre ».
Et c’est pour faire face à cette insurrection talibane que la première mesure du président Ghani devrait être de signer un accord avec Washington pour le maintien de quelque 12 000 soldats américains jusqu’en 2016, après le retrait total des troupes de l’OTAN d’ici la fin de l’année.
Un attentat suicide des talibans a d'ailleurs déjà endeuillé cette journée. Il a fait quatre morts, près de l'aéroport de Kaboul pourtant placé sous haute surveillance pour l'investiture d'Ashraf Ghani. Les talibans afghans, conviés à des pourparlers de paix par le nouveau président, ont aussitôt revendiqué cet attentat via leur porte-parole officiel, Zabiullah Mujahid.