C’est un Premier ministre soutenu par une majorité confortable, avec un taux de chômage officiel voisin de 4 %, et une volonté de réforme qui, pour l’instant, ne rencontre pas d’obstacle majeur. Shinzo Abe a entamé un programme de relance par la demande intérieure, les grands travaux, des incitations à la consommation des ménages, mais il doit encore mettre en œuvre les réformes qui permettront notamment l’ouverture du pays à la concurrence, ce sera le second volet de cette politique dénommée « Abenomics ». Et c’est ce qui intéresse bien entendu les partenaires du Japon. Un accord de libre échange entre le Japon et les pays d'Union européenne est en discussion depuis un an. Mais les progrès dans ce sens sont difficiles à mesurer.
Un grand allié et des partenaires multiples
En attendant, Tokyo diversifie ses partenariats, pour sortir de la relation exclusive avec le grand allié américain. Il s’agit pour le Japon, dans un environnement quelque peu hostile, de « montrer aux Japonais de l’intérieur qu’il n’est pas isolé, estime Jean-François Sabouret chercheur au CNRS. M. Abe est venu voir comment on pouvait travailler avec les pays européens pour échanger des produits, pour travailler de concert sur des projets de nucléaire, avec les Britanniques ou les Français. Il y a un volet de recherche commune entre Areva et les gens de M. Abe. »
Un environnement « compliqué »
Le Japon n'est pas isolé, mais sa relation avec ses voisins directs, est pour le moins « compliquée ». La priorité reste l'endiguement de la Chine, avec les tensions que l'on sait autour des îles Senkaku. Le président Obama, sans aller jusqu’à ce prononcer sur le fond du litige territorial a néanmoins exprimé son soutien aux Japonais en cas d’agression chinoise, tout en rappelant, lors de l’escale coréenne de son voyage, les horreurs comises par les troupes impériales nipponnes contre les femmes dites de « réconfort », à savoir les Coréennes forcées à la prostitution par les troupes japonaises du temps de la colonisation.
Quant à la Russie, - les deux pays ont un litige territorial sur les îles Kouriles, appelées « Territoires du nord » par le Japon-, une tentative de rapprochement était en cours entre Moscou et Tokyo, qui n’ont pas signé de traité de paix depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Mais il y eu l'annexion de la Crimée par la Russie, puis des sanctions japonaises et la colère de Moscou promettant des représailles contre Tokyo. Raison de plus pour se tourner vers l'Europe, pour des équipements à la pointe de la technologie en matière de sécurité notamment. Le Japon, devenu « puissance moyenne » a tout intérêt à se rapprocher d’autres puissances moyennes, partageant les mêmes intérêts, note Guibourg Delamotte, maître de conférence à l'Inalco. « L'idée, c'est vraiment de mettre les forces en commun avec des partenaires qui sont, sur un plan industriel, évidemment interessants, poursuit-elle. C'est le cas de la France. Ce sont aussi des interlocuteurs qui sont intéressants sur un plan stratégique. Là encore, c'est le cas de la France, qui est considérée comme une puissance ayant une vision intéressante des relations internationales. Il est intéressant pour le Japon de dialoguer avec un tel pays. »
Vers une interprétation nouvelle de la constitution dite « pacifique »
Les rapprochements sur le plan industriel et militaire sont donc en marche d'autant que, depuis le début d’avril 2014, les Japonais ont fini par lever l'interdiction des ventes d'armes à l'étranger à l'issue de longues discussions portant sur le caractère pacifique de la Constitution japonaise. L’article 9 de la Constitution d'après guerre, qui stipule le renoncement à la guerre, « bride » le Japon dans son développement militaire, même si l’avancement technologique permet de contourner les obstacles ou de compenser les restrictions, depuis de nombreuses années.
Des modifications, ou un changement d'interprétation, pourraient intervenir, qui feraient de l'armée japonaise une armée comme une autre, susceptible de s'engager dans des opérations de défense collective. Jean-François Sabouret estime que les jeunes générations semble s’y résoudre, même si les résistances sont encore nombreuses dans une opinion traumatisée par les conséquences de l’impérialisme japonais du début XXème siècle.
Mais le sujet est délicat, car les partenaires du Japon traitent également avec la Chine et la Corée, anciennes victimes de l'expansionnisme japonais du début du siècle dernier. Or le premier ministre Abe est connu pour ses sorties ultra conservatrices, voire nationalistes, qui ne font que mettre de l'huile sur le feu.
■ François Hollande pousse à la signature d'un accord UE-Japon
François Hollande a souligné que l’économie était le premier aspect du partenariat d’exception mis en place lors de sa visite à Tokyo il y a un an. Le président français s’est félicité du dynamisme des échanges franco-japonais, mais il a surtout appelé de ses vœux la signature d’un accord de libre-échange Union européenne-Japon, en cours de négociation. Il a également indiqué que la France pèserait de tout son poids pour que ces négociations aboutissent.
Parmi les contrats signés, il a évoqué le nucléaire. La France a signé un accord pour aider au démantèlement des centrales japonaises, après la catastrophe de Fukushima. François Hollande a également parlé d’une coopération sur la sécurité, dans le cadre de la recherche sur les réacteurs de quatrième génération.
Pour ce qui est de la recherche et de l’innovation, les deux pays ont également signé un accord sur le textile, en attendant, selon François Hollande, la robotique, le numérique et les énergies renouvelables.