Corée du Nord: la révolution des téléphones portables

Si le régime totalitaire de Kim Jong-un continue d’interdire tout accès à Internet à la population nord-coréenne, il autorise depuis cinq ans un réseau de téléphones mobiles qui rencontre un très grand succès. 

La Corée du Nord est un pays ruiné. Pourtant, un nombre étonnamment élevé de Nord-Coréens possèdent un téléphone portable : l’opérateur téléphonique au Nord, l’entreprise égyptienne Orascom, compte officiellement 2 millions d’abonnés sur le territoire soit près de 10% de la population.

Selon un rapport du journaliste Yonho Kim, publié par l’université américaine John Hopkins, les téléphones portables sont même devenus un objet de très grand prestige et de statut social. Même s’ils coûtent plusieurs centaines d’euros, tout le monde en veut un. « Un jeune homme sans téléphone est déconsidéré et ne peut pas trouver de petite amie » déclare même un réfugié.

Toutes les grandes villes du pays sont couvertes par le réseau et les portables sont désormais indispensables aux commerçants et aux agriculteurs pour connaître les prix du marché noir, indique également ce rapport. Leur utilisation aurait même contribué à la stabilisation des prix à travers le pays et à la fin des écarts importants de tarifs entre les différentes provinces.

Interdiction d'appeler à l'étranger

S'ils sont nombreux à posséder un téléphone portable, il leur est pourtant interdit de passer des appels à l'étranger. Mais des Nord-Coréens entreprenants ont trouvé la parade et offrent des services illégaux d’appel international : ils contactent un complice, situé près de la frontière chinoise qui dispose d’un portable chinois avec lequel il peut librement appeler le monde entier. Ce complice appose alors le microphone du téléphone nord-coréen contre le haut-parleur du téléphone chinois, et le tour est joué !

Ce système explique que les ONG de réfugiés nord-coréens en Corée du Sud disposent de plus en plus d’informations issues de sources au Nord. Mais les autorités nord-coréennes continuent d'écouter les conversations et procèdent même à des contrôles dans la rue : un smartphone avec du contenu sud-coréen (film, musique,etc.) peut envoyer son propriétaire en prison.

Un danger pour le régime

Pour le régime de Kim Jong-un, ces portables représentent un vrai danger. En Corée du Nord, aucune association ne peut exister hors du régime. A présent, grâce aux portables, des embryons d’organisation peuvent se développer, et les informations non officielles et les rumeurs circulent très rapidement. Récemment, des étudiants à Pyongyang, fans de football, qui communiquaient par texto, ont créé un club informel, prenant ainsi les autorités par surprise.

Pourtant, les autorités ne tentent pas d'enrayer cette tendance. Car la Corée du Nord veut tout d’abord veut montrer à sa population qu’elle est devenue un « pays moderne ». En août 2013, Pyongyang avait d'ailleurs dévoilé un smartphone, présenté comme étant conçu par ses soins, afin de renvoyer une image d'ouverture à sa population.

Des contrôles forts

Le régime tire également avantage des abonnements téléphoniques souscrits par les utilisateurs de téléphones portables. Ceux-ci lui permettent de gagner d’importantes devises étrangères et de reprendre à sa population l’argent obtenu sur le marché noir.

Enfin, les autorités nord-coréennes semblent avoir confiance en leurs capacités de surveillance. Dans son rapport, le journaliste Yonho Kim estime d'ailleurs qu’il ne faut pas s’attendre à un prochain « printemps coréen » : Internet reste interdit, et les contrôles très forts.

Partager :