Les Indiens sont très fiers de la créativité de Bangalore qui abrite quelques-unes des grandes firmes indiennes de l’informatique. Intel, Infosys, les Tata Consultancy Services, pour ne citer que celles-là. Selon la mythologie officielle, Bangalore est l’équivalent indien de la Silicon Valley. Or, selon un rapport publié par le puissant syndicat des entreprises de l’informatique (Assocham) de l'Inde, les déchets électroniques qui s'accumulent dans ses poubelles à ciel ouvert, mais aussi dans ses rues et sur ses trottoirs, sont en train de transformer la capitale de l'informatique indienne en capitale de l'« e-waste » ou dépotoir de l'électronique.
20 000 tonnes de déchets électroniques par an
Le rapport des professionels n'y va pas de main morte et parle de garbage city, une mégapole poubelle qui est en train de devenir le symbole de la pollution high-tech ! Les chiffres cités dans le rapport sont impressionnants : le tonnage de déchets produits par cette ville de 8 millions d’habitants s’élèverait à quelque 20 000 tonnes par an, avec une croissance annuelle de 20%. Certes, on est encore loin des 300 000 tonnes de déchets recyclés annuellement en Chine, notamment dans la ville de Guiyu, mais cela représente quand-même un tiers des déchets produits en Inde liés aux seuls ordinateurs. En l'espace de quelques années, Bangalore est devenue la première ville productrice de déchets électroniques, devant Bombay, Delhi ou Chennai. C’est un énorme défi pour cette belle et grande ville qui demeure pourtant un vrai vivier de nouvelles technologies et de créativité.
Pour combien de temps encore ? C’est en effet la question que se posent les auteurs du rapport sur le grand défi de recyclage des déchets électroniques auquel Bangalore est aujourd'hui confrontée. Le défi est d’autant plus grand que cette croissance pose des problèmes environnementaux et de santé publique graves. 90% de ces déchets sont recyclés par le secteur informel. Les circuits électroniques sont brûlés à l’air libre. Les substances dangereuses utilisées pour nettoyer les métaux récupérés sont à l’origine de moult problèmes respiratoires et de maladies graves qui frappent avant tout les travailleurs des échoppes de recyclage informel.
Démanteler les ateliers de recyclage informels ?
Le rapport de l’Assocham, l'Association des chambre de commerce et d'industrie d'Inde, souligne justement l’urgence de mettre en place des processus régulés pour le ramassage et la gestion des déchets électroniques. Les auteurs du rapport rappellent que d’ici à 2020 les déchets d’ordinateurs pourraient augmenter de près de 500 % à l’échelle de l’Inde, d’où la nécessité de mettre en place de véritables filières modernes de recyclage, moins nocive et plus efficace. Paradoxalement, Bangalore fait figure de pionnière dans ce domaine. Sous la pression de ses 1 200 sociétés du secteur des nouvelles technologies sensibles à l'image de leur ville, elle a mis en place une dizaine d’ateliers de traitement de déchets électroniques qui réalisent le recyclage dans les règles de l’art. Ces ateliers sont agréés par le gouvernement, mais faute de cadres réglementaires stricts, ils fonctionnent seulement à 10% de leur capacité.
Les professionnels de l'informatique indienne plaident en faveur de l’interdiction de ces ateliers, mais ce secteur emploie environ 25 000 personnes. Avec des élections importantes prévues l’année prochaine, il y a peu de chances que le gouvernement s'attèle dans un avenir proche au démantèlement des ateliers informels de traitement des déchets électroniques. Ni à Bangalore, ni ailleurs dans le pays.