Chine: grand déballage et lavage de linge sale en famille au procès Bo Xilai

Le régime chinois aime laver son linge sale en famille. Hier, vendredi 23 août, c’est au tribunal que le grand déballage à eu lieu. Au deuxième jour de son procès, Bo Xilai a été accusé par sa seconde épouse d’être au courant des pots de vins perçus par la famille. Ma femme est « folle » et « elle ment » a répondu le dirigeant déchu qui encourt la peine de mort pour des faits de corruption et d’abus de pouvoir.

Avec notre envoyé spécial à Jinan,

Les caméras et les micros étaient moins nombreux vendredi devant le tribunal intermédiaire numéro 3 de Jinan. Du coup, les policiers chargés de surveillés les accès à la cour de la capitale du Shandong (est) en ont profité pour sortir les petites chaises pliantes. Le procès n’est pourtant pas terminé, les choses reprennent ce samedi matin, a fait savoir le porte-parole du tribunal après une journée d’audience très animée.

Vidéo a l'audience

C’est décidement le procès politique le plus spectaculaire que la Chine ait connu depuis trente ans. Jeudi, Bo Xilai disait ne pas être au courant des pots de vins remis par un homme d’affaires ami de la famille à sa seconde épouse Gu Kailai et à son fils. Vendredi, les juges ont donc diffusé le témoignage de la femme de l’accusé (condamnée à la peine de mort avec sursis pour le meurtre d’un citoyen britannique il y a un an).

Voir la vidéo enregistrée lors de l’enquête.

« Bo, Xu Ming [le nom de cet homme d’affaires] et moi sommes de vieux amis. Voilà 20 ans que nous sommes rencontrés. Il avait des relations et il a pu nous acheter des billets d’avions, indique Gu Kailai sur la vidéo. On n’a pas dit non et on en a pris l’habitude. "Et en dehors des billets d’avion qu’est ce qu’il vous a donné d’autres ?" demande les enquêteurs. Il nous achetait de petites choses, répond l’interrogée d’une petite voix. Quand mon fils est sorti parmi les dix premiers de l’université, il lui a offert un scooter électrique par exemple. "Et quoi d’autres ?" Demandent les juges ? Ils nous offraient aussi des plateaux de fruits de mer de Dalian [ville du nord-est de la Chine où Bo Xilai a été maire, ndlr]. "Quoi d’autre encore ?" Vous le savez puisque vous avez mené l’enquête. "Bo Xilai était-il au courant de ces dépenses ? Demande encore l’accusation. Il devait le savoir », répond alors la femme de l’accusé.

Villa à Cannes

Selon le témoignage de la seconde épouse de l’ex-étoile montante du parti, les « petites choses » sont devenues plus importantes lorsqu’elle a décidé d’envoyer son fils Bo Guagua à l’école en Grande-Bretagne en 1999. Des palmiers, la Méditerranée et une villa aux murs blanc a refait son apparition cet après-midi sur les écrans de la télévision centrale de Chine. Selon sa déposition devant les enquêteurs, Gu Kailai aurait alors demandé au fameux ami de la famille, Xu Ming, d’aider à financer la propriété de Cannes. Pendant les dix ans qui ont suivi, affirme le compte-rendu d’audience, « Patrick Devillers [le français ami de la famille depuis l’époque où Bo était maire de Dalian, ndlr] a aidé à construire une holding complexe impliquant de multiples sociétés écrans afin d’assurer le contrôle de la propriété par Gu Kailai mais aussi pour s’assurer que la villa ne pouvait pas être reliée à la famille ». Le même Patrick Devillers ayant dans un témoignage écrit affirmé aux enquêteurs l’année dernière que « Neil Heywood (le britannique, ex-ami de la famille, assassiné par l’épouse de Bo Xilai) était très en colère contre Gu Kailai lorsque cette dernière lui a demandé de céder sa participation dans la propriété française à une autre personne ». Le meurtre d’Heywood est-il relié à cette propriété ?

« Morceau de viande d’un animal exotique »

Le meurtre d’Heywood a été jugé l’année dernière. Aujourd’hui, c’est la corruption qui intéresse les juges. Gu Kailai affirme qu’elle a montré à son mari des diapos pour le design de la villa à Cannes. « Donc il savait que j’avais demandé à Xu Ming de payer cette villa en France ». L’accusation cite alors un témoignage antérieur de Gu Kailai disant que Bo savait aussi au sujet du voyage de son fils en Afrique payé par l’ami de la famille. Elle s’est souvenu notamment que le fils, Guagua, a raconté son voyage à son père au retour. « Guagua leur a également rapporté des cadeaux en provenance du Kilimandjaro en Tanzanie, y compris "un morceau de viande provenant d'un animal très exotique" ». Ce témoignage est « fabriqué » répond alors Bo Xilai devant les juges. Ma femme est « folle » et « elle ment », « son état de santé mental s’est dégradé en raison des pressions liées à l’enquête ».

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