« Je veux porter haut le nom de la Mongolie dans l'arène internationale ! Je vais œuvrer à la réalisation du rêve du peuple mongol ! […] Et instaurer un Etat de droit et de justice ». Les premiers mots d’après-victoire de Tsakhia Elbegdorj face à la statue du héros Gengis Khan sont clairs : la Mongolie doit poursuivre son entrée dans la « cour des grands » de ce monde – Japon, Union européenne et Etats-Unis en tête - et tenter de se faire une place à part entière entre ses deux voisins imposants, la Chine et la Russie. Le nouvel élu est loin d'être un novice en matière de changement.
Un avant-gardiste de la démocratie
Tsakhia Elbegdorj, 50 ans, n’en est pas à ses premiers discours emplis de soif de justice et de démocratie. Cet ancien journaliste, passé par les universités soviétiques et américaines, est l’un des fers de lance de la révolution pacifique qui a mis fin, en 1992, à 70 ans de dictature soviétique, la plus longue sur cet ancien satellite de l'URSS.
Ce personnage clé de la transition démocratique largement pacifique, deux fois Premier ministre, a séduit les 1,85 millions d’électeurs mongols en leur promettant de mettre fin à la corruption, ver qui ronge le pays, et de réduire les inégalités. Elbegdorj est réputé être un combattant politique féroce, surtout en matière de lutte contre la corruption. La dernière affaire entre la compagnie nationale d'aviation et des investisseurs étrangers a permis de le prouver à qui il en était encore besoin.
Des réformes innovantes
Elbegdorj a aussi à son compteur d’autres changements : l’environnement est ainsi arrivé au premier plan de l’agenda politique. L’objectif affiché est de diminuer la pollution atmosphérique déclenchée par la surpopulation et l'utilisation excessive de charbon à Oulan-Bator, deuxième ville la plus polluée du monde. En 2009, le président mongol est devenu membre du Global Agenda Council sur le changement climatique (Forum économique mondial).
Tsakhia Elbegdorj a aussi à son effectif l'abolition de la peine de mort en 2011. En début d’année 2013, la Mongolie a levé les restrictions de voyage pour les personnes séropositives. Ces réformes ont été adoptées par le Parlement. Les étrangers qui demandent un visa pour la Mongolie ne sont plus tenus de dévoiler leur statut ou de fournir des renseignements à ce propos. Les réformes ont aussi supprimé les restrictions à l'emploi qui empêchaient les personnes vivant avec le VIH d'exercer certains métiers, notamment dans l'industrie alimentaire. Des évolutions majeures dans la Mongolie du XXIe siècle.
S'attaquer aux inégalités
Le président nouvellement réélu doit aussi poursuivre sa politique en matière de réduction des inégalités sociales dans un pays où le salaire moyen avoisine les 200 dollars et dans lequel un tiers des habitants du pays vit encore sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.
Avant le boom minier, la majorité des 2,8 millions de Mongols disséminés sur un territoire grand comme trois fois la France, vivait la vie des nomades à cheval, loin de toute modernité. Aujourd’hui, les villes se remplissent, la pauvreté s’accroît.
L'ouverture essentielle aux capitaux étrangers
Grâce aux richesses de son sous-sol, la Mongolie connaît pourtant une expansion économique sans précédent. Les taux de croissance sont insolents : 17,5% en 2011, 12,3% en 2012. Et les envieux se bousculent pour accéder aux énormes réserves de charbon, de cuivre et d'or, jusque-là encore largement inexploitées.
Fervent adepte de l’économie de marché, le président mongol reste cependant un défenseur du contrôle de l’Etat sur les investissements étrangers. L’élection de ce 26 juin a été dominée, entre les trois candidats alors en lice, par la question de la redistribution de la gigantesque manne financière issue des ressources minières du pays.
Accusé par ses opposants d’avoir accru les inégalités dans le pays et d’avoir laissé les investisseurs étrangers mettre la main sur les ressources du pays, Tsakhia Elbegdorj a appelé en début d’année à plus de transparence de la part de ces multinationales étrangères et a, à l’instar de ses concurrents, fait campagne sur le thème du « nationalisme minier ». Ce discours n’a pas tardé à fâcher ces colossaux investisseurs pourtant à l'origine du boom économique du « Pays des steppes ».
Déjà, certaines exportations de cuivre accusent un retard pour cause, notamment, de mésentente entre Rio Tinto et le gouvernement, notamment sur les conditions de rapatriement des bénéfices. L’Anglo-Australien Rio Tinto et le Canadien Turquoise Hill Resources ont, à eux seuls, investi quelque 6,2 milliards de dollars dans la mine d'Oyu Tolgoi. Ils envisagent d’extraire 450 000 tonnes de cuivre et 330 000 onces d'or par an. Oyu Tolgoi deviendrait l’une des plus grandes mines du monde. La manne devrait fournir en 2019 un tiers environ des revenus de l'Etat mongol. Mais si ce vaste projet subit trop de retard, la croissance 2013 pourrait tomber à 5,5%, selon les prévisions du groupe bancaire Mongolian Investment.
Tsakhia Elbegdorj va cependant continuer à attirer les investisseurs étrangers qui ont permis le développement extrêmement rapide du pays. Oulan-Bator est ainsi devenue une cité où se côtoient gratte-ciel et centres commerciaux luxueux.
Il reste donc quatre ans à Tsakhia Elbegdorj pour achever son programme d’ouverture et de passer les rênes du pouvoir. Le président ne peut en effet exercer plus de deux mandats consécutifs. Perçu comme un garant de stabilité, particulièrement aux yeux des jeunes et des citadins, la Mongolie est sur la voie de la démocratie. Mais le chemin est toujours semé d’embûches.