Elections au Pakistan: des attentats troublent un scrutin historique

Alors que le Pakistan vote ce samedi 11 mai pour ses élections législatives, deux attentats ont frappé ce matin Karachi et Peshawar, tandis que plusieurs attaques ont eu lieu dans le Balouchistan. 17 personnes au moins ont été tuées. On dénombre des dizaines de blessés. 48 millions d’hommes et 37 millions de femmes sont appelés à voter pour élire leurs 342 députés de l'Assemblée nationale et leurs représentants dans les quatre assemblées provinciales.

Les talibans pakistanais avaient prévenu. Hier, ils avaient recommandé à la population d'éviter de se rendre aux urnes ce samedi 11 mai si elle ne voulait pas « risquer de perdre la vie ». Après les menaces, ils sont donc passés à l’acte.

A Karachi, dans le sud, un premier attentat a visé le candidat d’un parti laïc, faisant au moins onze morts, selon un dernier bilan. Quelques heures plus tard, une deuxième attaque à la bombe a été perpétrée à Peshawar devant un bureau de vote réservé aux femmes, faisant cette fois au moins huit blessés. Dans le Balouchistan, au nord-ouest du pays, une région réputée instable, six personnes, dont deux paramilitaires, ont été tuées dans différentes attaques.

C’est donc un scrutin sous haute tension que vit le Pakistan. 600 000 membres des forces de l’ordre, dont 50 000 militaires, ont été déployés dans tout le pays, essentiellement dans les régions qui ont été les plus touchées par les violences durant la campagne électorale : le Baloutchistan ; à l’ouest ; et la métropole Karachi, au sud. Les services de sécurité sont très visibles et très nombreux autour des bureaux de vote à Islamabad, la capitale, nous rapporte notre correspondante Gaëlle Lussiaà-Berdou.

Mais ces menaces ne semblent pas avoir entamer la motivation des Pakistanais à se rendre aux urnes. A la mi-journée, il y avait 30% de participation selon la commission électorale. A Islamabad, qui a été épargnée par les violences pré-électorales, les électeurs ont afflué dès l'ouverture des bureaux de vote. A Lahore, la deuxième plus grande ville du pays, la population se rend également aux urnes en nombre, raconte notre envoyé spécial Christophe Paget.

Suspense sur l'issue du vote

Trois partis se disputent la majorité et le poste de Premier ministre : les progressistes laïcs, actuellement au pouvoir ; la Ligue musulmane, qui est à droite ; et le Pakistan Tehreek-e-Insaaf, le Parti de la justice, à droite également et mené par Imran Khan, un ancien joueur de cricket. Face à la Ligue musulmane de l’ex-Premier ministre Nawaz Sharif, favorite, Imran Khan apparaît comme un sérieux concurrent et l’homme d’un possible changement. Sa popularité va croissant depuis le début de la campagne grâce à ses promesses de renouveau, de rupture avec les façons de faire des partis traditionnels.

A Islamabad, où la population est urbaine, plutôt éduquée, Imran Khan est très populaire. En ce jour de vote, ils sont nombreux à arborer des tee-shirts frappés d’une batte de cricket, symbole du Parti de la justice. Même constat dans le quartier résidentiel de Gulberg à Lahore. Le côté « homme nouveau », qui n’a jamais été au gouvernement et ne fait pas partie des grandes familles qui dirigent le pays depuis des décennies, paraît plaire.

Une jeune fille de 19 ans, qui votait pour la première fois, s’est ainsi levée tôt ce matin pour placer le bulletin du PTI dans l’urne. Un autre homme s'est dit quant à lui plutôt séduit par le volontarisme affiché de son candidat. « Il dit qu’il se débarrassera de ceux avec qui il travaille s’ils ne s’acquittent pas de leur tâche correctement. C’est quelque chose qu’il a fait dans les institutions qu’il a créées, les hôpitaux, les écoles, qui sont bien meilleurs que toutes les autres, a expliqué cet électeur venu voter avec son fils. Je pense que c’est au moins un homme de principe ; nous devrions lui donne sa chance et être impitoyables avec ceux qui nous ont déjà gouvernés. »

Reste à voir si cette popularité va se traduire dans les urnes et surtout dans le prochain Parlement. Car le système pakistanais est un système uninominal à un tour. Un parti peut donc remporter une bonne partie des voix sans nécessairement remporter l’équivalent en sièges à l’Assemblée. Selon la façon dont ces voix seront réparties, c’est le grand suspense de ce scrutin.

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