De notre correspondant à Pékin,
On ne peut pas dire qu’on se bouscule pour commenter la chute de Suntech ce matin en Chine. La plupart des spécialistes s’expriment sous couvert d’anonymat notamment dans les journaux spécialisés de Shanghai et évoquent la fin d’une longue dégringolade. La star chinoise du photovoltaïque était en effet dans le rouge depuis longtemps. Numéro un mondial du secteur il y a encore trois ans, Suntech Power Holdings Co affichait alors une confiance presque arrogante, celle de la première valeur chinoise à capitaux privés à avoir été côté à la bourse de New York dès 2005.
Effondrement des prix
Seulement voilà, la stratégie qui consiste à oublier les marges, à travailler quasi à perte pour conquérir de nouveaux marchés et éliminer la concurrence n’est pas tenable en temps de crise. Suntech paye aujourd’hui l’effondrement des prix des panneaux solaires : moins 45% en 2011 et à nouveau moins -25% en 2012 ! Il paye aussi le réveil de Washington et Bruxelles dans cette guerre du photovoltaïque qui a décimé une grande partie de l’industrie américaine et européenne.
Les Américains ont finit par taper du point sur la table de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et imposé des protections douanières en mai 2012. L’Europe a lancé une enquête sur la question en septembre dernier et prépare elle aussi ses mesures antidumping. Car Pékin a beaucoup aidé le secteur ces dernières années, mais aujourd’hui promis : c’est finit !
« C'était déjà impossible de sauver Suntech avant compte tenu depuis poids de sa dette, c’est encore pire maintenant explique Han Xiaoping. Le gouvernement chinois a sauvé trop d’entreprise du secteur et cela a finit par poser un problème quand d’autres pays nous ont accusé de protéger nos entreprises, poursuit ce responsable du site d’information Zhongguo nengyuan wang , spécialisé dans le marché des énergies renouvelables. Avec une telle pression de l’étranger, le gouvernement chinois ne pourra pas sauver Suntech cette fois d’autant que Suntech est en faillite à cause de ses propres difficultés ». L’euphémisme est de rigueur, les problèmes spécifiques de Suntech concernent ici un rapport de juillet dernier évoquant une fraude à la garantie concernant le groupe d’un montant de 680 millions de dollars.
Accusations de dumping
L’Etat Chinois est prêt à sacrifier Suntech qui compte tenu de ses difficultés justement n’est plus le fleuron qu’il était autrefois. « Le gouvernement ne doit pas intervenir dans les affaires intérieures de Suntech » a ainsi expliqué le 14 mars dernier, Li Junfeng, l’un des responsables du comité pour le développement et la réforme au sein du Conseil des Affaires d’Etat (gouvernement chinois).
Plus question d’aider Suntech sans risquer de nouvelles mesures de rétorsions sur des marchés tel que l’Europe dont 80% des panneaux solaire sont chinois. L’enjeu n’en vaut pas la chandelle d’autant que la Chine a déjà gagné la guerre ; l’essentiel de la production du secteur étant aujourd’hui concentré sur son territoire. Une faillite est aussi une manière de faire le ménage et de récupérer ce qui peut l’être encore. Han Xiaoxing se veut rassurant : « Si le groupe Suntech est en faillite, ses usines sont encore là, ainsi que ses capacités de production, surtout ses chercheurs et sa technologie. C'est seulement le patron qui va changer. Suntech est mort, mais le secteur des panneaux solaire chinois reste fort ».
Ce point de vue n’est pas partagé par tout le monde, et notamment à Wuxi, à 120 kilomètres de Shanghai dans la province du Jiangsu. C’est là que se trouve le siège de Suntech où travaillent 10 000 des 20 000 employés du groupe. Selon une source citée par l’agence Reuters ce jeudi, les autorités locales chercheraient un plan de sauvetage en s’appuyant sur une loi sur les faillites, datant de 2007.
Surcapacités chinoises
Il faut dire que les fonctionnaires de Wuxi ne dorment plus beaucoup depuis que l’entreprise a annoncée la banqueroute dimanche 17 mars 2013. Mais depuis plusieurs mois déjà Suntech était devenu un véritable gouffre financier, et les collectivités locales ont investi des sommes astronomiques pour tenter de renflouer l’entreprise : le cercle vicieux classique rencontré par de nombreuses entreprises surendettées en Chine.
Pour obtenir des subventions du gouvernement local, la société a vendu ses produits à ses filiales à l’étranger pour gonfler artificiellement son chiffre d’affaire et justifier ses emprunts. C’est aussi le symbole d’une production en surcapacité. La demande ne suit pas en Asie, elle ne suit plus non plus en Europe devenue le principal consommateur mais aujourd’hui frappée par la crise. Cela vaut pour le photovoltaïque, mais aussi pour le béton par exemple et de nombreux secteurs touchant au BTP. Résultat : certaines usines chinoises ne tournent qu’à 50% de leur capacité.
« Suntech doit servir d’avertissement aux autres industries émergents stratégiques en Chine face à des problèmes d’investissements hasardeux et des capacités de productions excessives », affirmait ainsi à l’automne Gao Hongling, secrétaire adjoint de l’Alliance de l’industrie photovoltaïque cité par le China Daily. La question est de savoir maintenant jusqu’à quand l’Etat chinois va payer les dettes des entreprises qui contribuent à ces surcapacités ? La nouvelle équipe au pouvoir qui vient de prendre ses fonctions ayant annoncé par la voix du Premier ministre Li Keqiang dimanche 17 mars dernier, qu’elle entendait développer l’autonomie du secteur privé.