Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
Les autorités chinoises voulaient frapper fort et faire un exemple. L’exemple s’appelle Lorang Konchok. Ce moine du monastère rebelle de Kirti, âgé de 40 ans, a été condamné à mort avec sursis.
La peine sera probablement commuée en prison à vie. Elle reste néanmoins très lourde. Même chose pour son neveu, Losang Tsering, 31 ans, qui devra passer dix ans sous les verrous. Les deux hommes sont accusés d’avoir « incité » huit autres Tibétains à s’immoler. Trois d’entre eux ont succombé à leurs blessures l’année dernière, après avoir mis le feu à leurs vêtements.
95 appels à l'étranger, une preuve pour la justice chinoise
Selon l’acte d’accusation diffusé par l’agence Chine Nouvelle, Lorang Konchok aurait ainsi passé 95 coups de fil à l’étranger dans une seule journée, dont certains avec l’Inde. Une preuve selon les juges, du lien qu’entretenait l’accusé avec les « forces séparatistes antichinoises basées à l’étranger ». Toujours selon le compte-rendu de l’agence officielle chinoise, le moine auraient également renouvelé ses appels vers l’extérieur au lendemain des immolations.
Arrêtés en août dernier, le bonze et son neveu auraient plaidé coupable et se seraient repentis de leurs actes après avoir confié aux policiers avoir suivi les consignes du Dalaï Lama et du gouvernement tibétain en exil.
Les autorités veulent marquer les esprits
Impuissante à enrayer la vague de protestations et de suicides qui secoue les plateaux tibétains depuis mars 2011, les autorités veulent ici marquer les esprits. En décembre dernier, la Cour suprême a annoncé que toute personne soupçonnée d’avoir été complice d’immolation serait poursuivie pour « homicide volontaire ».
Près de 130 personnes ont pu assister à l’audience au tribunal d’Abba ce jeudi, dont des villageois et des proches des deux condamnés. Le verdict a été traduit en tibétain. Impossible en revanche d’avoir accès aux pièces du procès ou aux avocats : les montagnes du Sichuan, comme des régions tibétaines voisines du Qinghai et du Gansu, restent hermétiquement fermées aux journalistes et aux ONG de défense des droits de l’homme.