Tensions autour des îles Senkaku-Diaoyu : les touristes chinois boudent le Japon

Le différend entre la Chine et le Japon sur les îles Senkaku-Diaoyu, administrées par Tokyo mais revendiquées aussi par Pékin, a fait une nouvelle victime : le tourisme nippon. Le nombre de visiteurs chinois au pays du Soleil-Levant a chuté de 44% en novembre par rapport au même mois de 2011. Un conflit qui commence à peser lourd sur l'économie japonaise.

Cette année, le Japon n’a pas la cote auprès des touristes chinois. Seulement 52 000 Chinois ont visité le pays au mois de novembre contre 92 154 l'année passée, soit une baisse de 44%.

Depuis septembre, les annulations de voyages de groupes, d’excursions scolaires et de déplacements d’affaires de Chinois se multiplient, alors que le tourisme japonais commençait à relever la tête deux ans après le tsunami et la catastrophe de Fukushima. En novembre, l'Archipel a même accueilli 17,6% de touristes étrangers de plus qu’en 2011.

En cause, les tensions diplomatiques autour de l’archipel des Senkaku, revendiqué par la Chine sous le nom de Diaoyu, qui n’en finissent pas d’empoisonner les relations entre les deux pays. Un vieux conflit de souveraineté qui remonte aux années mille neuf cent soixante-dix, mais dont la flamme a été ravivée en septembre lorsque Tokyo a décidé de racheter trois de ces îles à un propriétaire privé japonais. De violentes manifestations antijaponaises avaient alors éclaté dans une centaine de villes chinoises. Trois mois après, la couverture médiatique de la querelle a attisé le sentiment nationaliste et le torchon brûle toujours entre les deux voisins.

Boycott des marques japonaises

Il n’y a pas que le tourisme qui soit touché. Des firmes japonaises implantées en Chine ont été écartées de certains contrats ou menacées de grèves. Et l'empire du Milieu a durci les contrôles douaniers sur les produits japonais, tandis que les consommateurs chinois boycottent les marques nippones (les ventes de téléviseurs Sharp, Sanyo ou Toshiba ont par exemple baissé d’un tiers) ou renoncent carrément à acheter des voitures japonaises de peur qu’elles ne soient saccagées par les nationalistes chinois. En septembre, les ventes en Chine avaient terriblement chuté : -49% pour Toyota, -41% pour Honda et -35% pour Nissan. Sans compter que ces baisses se sont répercutées sur les équipementiers japonais installés en Chine. L’électronique, la distribution et le commerce de détail sont aussi directement affectés. La facture du conflit commence donc à être salée pour l’Archipel. Pékin a même promis au Japon une nouvelle « décennie perdue ».

Les dommages collatéraux se sont encore fait sentir ce mardi 25 décembre. Le groupe sidérurgique japonais Kobe Steel, spécialisé dans la fabrication et la vente de panneaux d’aluminium, a annoncé l’annulation d’un projet d’usine commune avec un partenaire chinois. Une rupture attribuée indirectement par la presse japonaise à ce différend territorial. En gros, dans cette période d’incertitude, il était plus prudent pour l’entreprise japonaise de renoncer au projet. En effet, l’augmentation attendue de la demande d’aluminium pourrait être inférieure aux prévisions du fait d’une baisse des achats de voitures japonaises en Chine. Il s'agit là d'un des nombreux effets domino de la crise en mer de Chine. A tel point que Shinzo Abe, qui doit être officiellement nommé Premier ministre du Japon demain, mercredi, a promis ce week-end de faire les efforts nécessaires à la « reprise d’une relation mutuelle bénéfique reposant sur des intérêts stratégiques communs ». Ajoutant : « La relation Japon-Chine est faite de liens bilatéraux extrêmement importants ».

Enjeux économiques énormes

Mais pour l’heure, aucune des deux parties ne veut céder de terrain. Cet archipel, bien qu’inhabité, abriterait des gisements d’hydrocarbures. Mais surtout, l’enjeu c’est la maîtrise de la mer de Chine où transite une grande partie des échanges commerciaux mondiaux.

Dans cette guerre, c’est bien le Japon qui semble avoir le plus à perdre et la Chine qui détient l’arme économique. Le pays du Soleil-Levant réalise plus de 19% de ses exportations avec la Chine. Depuis 2007, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Japon. En 2011, les échanges ont atteint un montant record de 345 milliards de dollars. C’est également son premier fournisseur. Le Japon est donc dépendant du marché chinois.

Mais la Chine n’a pas non plus intérêt à envenimer la situation. Les deux économies sont imbriquées. Téléphones, prêt-à-porter, appareils audiovisuels... Le Japon importe beaucoup de produits finis chinois et il y exporte des machines, des pièces détachées et des composants. Leurs chaînes de productions sont interconnectées. Combien de produits « Made in China » contiennent une pièce japonaise ? Dans cette histoire, les deuxième et troisième puissances économiques du monde risquent gros.

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