Le vote d’une loi sur la planification familiale révolutionne les Philippines

Après treize ans de débats qui ont fortement divisé les Philippines, le Parlement ont finalement adopté une loi sur la planification familiale. L’Eglise catholique aux Philippines, qui s’oppose au principe même de cette loi, a déclaré qu’elle allait faire un recours pour inconstitutionnalité devant la Cour suprême.

De notre correspondant à Manille,

Cette loi prévoit notamment la mise à disposition de contraceptifs gratuits au sein des centres de santé gouvernementaux et la mise en place de cours d'éducation sexuelle dans les écoles. Son objectif est selon ses promoteurs de « protéger la santé des femmes pauvres confrontées au risque de multiple grossesses et d’offrir aux couples la liberté de choisir ».

Elle intervient dans un pays de 100 millions d’habitants, très catholique, où le divorce et l’avortement demeurent interdits et où, selon une étude des Nations unies, 70% des femmes n’utilisent pas de préservatifs, tandis qu’un tiers des femmes enceintes avortent clandestinement. Le taux de mortalité maternelle aux Philippines est l’un des plus élevé au monde.

Du fait de l’obstruction de l’Eglise catholique, le vote de cette loi a pris 13 ans. Il a vu les sénateurs et les députés très divisés. Ses promoteurs soulignent qu’il s’agit de protéger les femmes et les enfants. Tandis que ses opposants qualifient la contraception de crime.

Contre la contraception

Ces derniers mois, le président Aquino s’est personnellement impliqué pour que cette loi soit adoptée. « Pouvez-vous, en toute conscience, consentir à la perpétuation de cet état des choses ? Notre responsabilité est d’offrir les meilleures opportunités possibles à nos enfants pour qu’ils puissent grandir et prospérer », avait-il déclaré après avoir parlé avec une jeune fille de 16 ans, mère de deux enfants et qui s’était vu refuser la contraception dans un des innombrables bidonvilles qui défigurent Manille.

Mais pour l’Eglise catholique, opposée au principe même de contraception au motif que, selon elle, la vie commencerait au moment de la « conception », les pauvres aux Philippines ont besoin d’éducation et d’emplois. Elle a annoncé qu’elle allait déposer un recours devant la Cour suprême pour que cette loi soit annulée.

Au cours des nombreuses manifestations organisées contre cette loi, le clergé, à court d’arguments, n’a pas hésité à affirmer que les pilules contraceptives tuaient les embryons. « Notre président a l’intention de tuer 20 millions d’enfants avec son stylo-plume s’il promulgue cette loi », soutient l’archevêque Ramon Arguelles.

Deux visions du monde

Les évêques regrettent d’avoir perdu l’influence prépondérante qu’ils ont eu sur la politique aux Philippines depuis la colonisation espagnole, et craignent à juste raison qu’elle ouvre la voie à d’autres réformes très attendues, et en premier lieu à l’autorisation du divorce, jusqu’à présent interdit. « Les législateurs ont jeté le concept de dieu par la fenêtre », s’indigne l’évêque Meliton Oso.

Au-delà du débat sur la contraception, ce sont deux visions du monde et des rapports sociaux qui se sont affrontés. Lors des interminables débats qui ont précédé le vote de cette loi, le président du Sénat avait insisté pour que les termes de « vie sexuelle satisfaisante et protégée » ainsi que celui de « plaisir sexuel » soient remplacés par ceux de « rapports sexuels ». Mais les notions de « satisfaction et de plaisir », considérées comme faisant partie de l’« essence » même de cette loi par ses promoteurs ont été conservées dans le texte adopté, alimentant la fureur du clergé philippin qui soutient que les rapports sexuels sont destinés exclusivement à faire des enfants.

70% des catholiques favorables

Aux Philippines, le passage de cette loi, malgré l’opposition du clergé, est une révolution très attendue par la majorité de la population. Différents sondages montrent que plus de 70% des habitants de l'archipel étaient en faveur du vote de cette loi au sein des catholiques, mais aussi des autres confessions religieuses. Ainsi la région semi-autonome musulmane sur l’île de Mindanao a-t-elle déjà promulgué sa propre loi sur la planification familiale.

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