Avec notre correspondant à Séoul, Frédéric Ojardias
On peut vraiment parler de succès pour la Corée du Nord. En avril 2012, un essai du même lanceur avait échoué après quelques secondes de vol. Ce 12 décembre au matin, la fusée, ou le missile, suivant les pays voisins, a suivi la trajectoire prévue, et a survolé la mer Jaune puis les îles japonaises d’Okinawa. Son dernier étage s’est abîmé à l’est des côtes philippines.
Le régime a proclamé avoir réussi la mise en orbite d'un satellite, ce qui était l’objectif officiel du tir. Et l’armée américaine a prudemment confirmé, déclarant qu’un « objet » avait bel et bien atteint son orbite.
Depuis 1998, c’est le cinquième essai de fusée -ou de missile- mené par la Corée du Nord. Et si l’information est confirmée, ce serait le premier succès complet de son programme balistique.
Les conséquences
Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU est prévue demain pour discuter de nouvelles sanctions, ce qui ne devrait pas changer grand-chose. La Corée du Nord est déjà accablée de sanctions. Seule la Chine a les moyens de faire pression sur Pyongyang. Et si Pékin semble durcir le ton, cela ne l’empêchera pas de continuer à soutenir son allié nord-coréen.
Pour le nouveau dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, ce tir est un coup d’éclat réussi qui va lui permettre de consolider en interne son pouvoir, un an après avoir succédé à son père Kim Jong-il. Et aux pays voisins et aux Etats-Unis, il démontre qu’il représente une menace qui ne doit pas être prise à la légère.
Condamnations des chancelleries
Nouvelles sanctions européennes ? « L'Union européenne va examiner une réponse appropriée, en étroite consultation avec ses principaux partenaires, et en conformité avec les délibérations du Conseil de sécurité des Nations unies », a déclaré la représentante de l'UE pour la politique étrangère, Catherine Ashton dans un communiqué. Par ailleurs, celle-ci appelle la Corée du Nord à « respecter sans délai, pleinement et sans condition ses obligations » découlant des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, du Traité de non-prolifération nucléaire et de ses engagements en faveur de la dénucléarisation datant de 2005.
Violente critiques japonaises. Comme les Etats-Unis, le Japon et Etats-Unis affirment qu'il s'agit d'un essai de missile balistique en violation des résolutions des Nations unies. Le Japon a prévenu sa population du tir sur Twitter. Le Japon ne croit pas un instant que la Corée du Nord a mis en orbite un satellite météo civil. Que pourrait-elle faire d’un tel satellite alors qu’elle n’arrive pas à nourrir sa population, se demande-t-on à Tokyo.
Pour le Japon, la Corée du Nord, qui accorde toute la priorité à son armée, a testé un missile balistique de longue portée. Ce nouveau tir est condamné par Shinzo Abe, le chef de l’opposition conservatrice, appelé sans doute à succéder à l’actuel Premier ministre Yoshihiko Noda avant la fin de l’année 2012.
Shinzo Abe veut que le Japon augmente ses dépenses de défense, parmi les plus faibles du monde, et révise sa Constitution pacifique pour lui permettre de s’intégrer davantage dans la stratégie américaine.
Confronté à une querelle territoriale avec la Chine, affaibli économiquement et politiquement, le Japon s’apprête à tenir des élections. Il risque après ce tir d’une fusée nord-coréenne de choisir des politiciens conservateurs nationalistes, partisans d’une armée plus forte capable de répondre à la fois aux menaces nord-coréenne et chinoise.
Irritation de Pékin. La Chine, le principal allié de la Corée du Nord, a également regretté cet envoi dans l’espace. Une condamnation en termes voilés mais qui traduit l’agacement de Pékin face aux agissements de son turbulent allié.
La diplomatie chinoise a eu beau marteler son désaccord ces derniers jours, une fois de plus le régime de Pyongyang n’en a fait qu’à sa tête. C’est ce qu’on pouvait lire entre les lignes de la dépêche de l’agence Chine Nouvelle qui parlait notamment « d’obstination » de la part du voisin nord-coréen. C’est aussi ce qu’a répété cet après midi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères : « Nous exprimons nos regrets à propos du lancement de la Corée du Nord, a-t-il indiqué, en dépit des graves inquiétudes de la communauté internationale. »
Ces regrets ne sont toutefois pas une condamnation formelle. La Chine a en effet invité les parties concernées à ne pas jeter de l’huile sur le feu en décidant de sanctions. Impossible de lâcher du jour au lendemain un allié, isolé diplomatiquement et dont la survie dépend principalement de l’aide chinoise. Impossible en même temps de soutenir un acte contraire à la résolution 1874 de l’ONU qui, comme le rappelle l’agence officielle chinoise, interdit à la Corée du Nord de procéder à de tels lancements. Car Pékin le sait bien : chaque nouvelle provocation de Pyongyang, renforce le poids de la présence américaine dans le nord-est asiatique, et notamment auprès de la Corée du Sud et du Japon.