Le Pakistan rouvre ses frontières aux camions de l’Otan

Après sept mois de blocages, le Pakistan a accepté de rouvrir ses routes aux camions de ravitaillement de l’Otan vers l’Afghanistan. L’accord négocié avec les Etats-Unis devrait permettre aux forces de l’Isaf de se retirer plus facilement d’Afghanistan d’ici 2014.

« Sorry » (Désolée)… Un petit mot que les autorités pakistanaises attendaient depuis sept mois, depuis l’accident du 26 novembre 2011 – quand 24 soldats pakistanais avaient été tués par erreur dans un bombardement de la Force internationale. Mais jusqu’ici, les Américains n’avaient fait part que de « regrets », refusant d’endosser toute la responsabilité du drame, responsabilité qu’une enquête conjointe Otan / Etats-Unis avait jugée « partagée » entre l’Isaf et les forces pakistanaises.

Les deux routes empruntées par les camions de ravitaillement pour traverser la frontière avaient été fermées après l’accident, par mesure de rétorsion : elles l’étaient donc restées.

Mais ce mardi 3 juillet, Hillary Clinton a pris son téléphone pour dire à son homologue pakistanaise Hina Rabbani Khar qu’elle était « désolée » des pertes subies par les militaires pakistanais. Pour être tout à fait clair, dans le communiqué de la secrétaire d’Etat rendant compte de cette conversation, l’accident du mois de novembre n’est pas mentionné, et si les Etats-Unis se disent « désolés », ils ne présentent pas leurs excuses, contrairement à ce que le Pakistan demandait.

Dans son édition internet, le New York Times affirme d’ailleurs que la secrétaire d’Etat et son équipe avaient spécifiquement préparé son entretien téléphonique pour que « le mot en ‘a’ (apology) ne soit pas prononcé »… De fait, « sorry » s’est révélé suffisant : le jour même, le Pakistan annonçait la réouverture aux camions de l’Otan de sa frontière avec l’Afghanistan.

Des routes vitales

Ni les Pakistanais ni les Américains ne pensaient que ces routes resteraient fermées aussi longtemps : elles sont très importantes pour les deux pays.
Politiquement d’abord : Washington et Islamabad sont sensés être des alliés, entre autres dans leur lutte contre le terrorisme. Ce désaccord n’a fait qu’exacerber des tensions déjà bien affirmées depuis que les Etats-Unis ont tué Oussama ben Laden sur le territoire pakistanais. Et à en croire le Premier ministre pakistanais, la fermeture des routes a aussi eu un impact négatif sur les relations du Pakistan avec les 49 autres pays de l’Otan.

Economiquement ensuite : selon le Pentagone, changer de routes et utiliser des avions cargos ainsi que les voies ferrées du nord pour faire passer essence et logistique en Afghanistan (via la Russie et les anciennes républiques soviétiques) a coûté 100 millions de dollars par mois ; du côté du Pakistan, le port d’Islamabad a pâti du blocage des bateaux de ravitaillement de l’Otan, et à la frontière avec l’Afghanistan les taxes sur les containers n’ont évidemment plus été perçues pendant sept mois.

Plus largement, le départ de la coalition d’Afghanistan, prévu d’ici 2014, aurait été considérablement compliqué si ces voies vers les bateaux amarrés au Pakistan étaient restées bloquées. Et la facture aurait explosé.
 
Un accord a minima pour le Pakistan

C’est d’ailleurs ce qui surprend dans cet accord : pour ce que l’on en sait, le Pakistan n’a finalement pas obtenu beaucoup. Il voulait une augmentation des tarifs douaniers sur les containers, parlant de 500 dollars au lieu de 160 : pas d’augmentation. Il demandait un arrêt de l’utilisation des drones sur son territoire pour tuer talibans et membres d’al-Qaïda : refus des Etats-Unis, qui parlent d’attaques « légales ». Et on l’a vu, Islamabad demandait des excuses, elle a eu un « sorry ». Par contre, les Etats-Unis vont débloquer 1,1 milliard de dollars pour l’armée pakistanaise, mais cette somme avait justement été gelée à cause de la fermeture des routes.

Au Pakistan, les partis religieux ont fait part de leur colère, parlant d’une décision allant à l’encontre des intérêts du Pakistan, une décision qui selon certains d’entre eux devait être prise par le Parlement, alors qu’elle l’a été par le nouveau Premier ministre. Les partis religieux vont donc continuer à surfer sur l’anti-américanisme de la population dans l’attente des élections générales de 2013.

Pour ce qui est des chauffeurs bloqués à la frontière, le président de l’Association des propriétaires de camions-citernes du Pakistan s’est félicité de la nouvelle, tout en demandant au gouvernement pakistanais de prendre des mesures pour renforcer la sécurité des transporteurs. De fait, dès que l’accord a été officialisé, les talibans ont indiqué qu’ils allaient attaquer ces camions et tuer leurs chauffeurs.  

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