Liu Yang, première Chinoise envoyée dans l’espace!

C'est une première dans l'Empire du Milieu : une femme fait partie de l’équipage de trois taïkonautes chinois (spationautes) qui a décollé ce samedi 16 juin 2012 de la base de Jiuquan, dans le désert de Gobi. La mission Shenzhou-9 doit rejoindre le module spatial Tiangong-1 où la candidate sélectionnée devrait rester plus d’une semaine. Pour ce quatrième vol habité, des aménagements spéciaux ont été prévus. Un demi-siècle après la Russe Valentina Terechkova, la première Chinoise de l’espace a eu le droit d’emporter son nécessaire à maquillage et dispose de toilettes réservées.

Rien n’était officiel mais les photos publiées mercredi 13 juin 2012 par l’agence Chine Nouvelle n’avaient pas manqué d’alimenter les spéculations sur la première Chinoise de l’espace. Liu Yang porte son uniforme de pilote de chasse, elle tient un verre de vin à la main et elle sourit.

Elle était surtout la seule à figurer sur la dépêche, en compagnie du célèbre Jiang Haibeng, qui faisait partie de la précédente mission habitée. Pour le Xinkuaibao, l’affaire est donc pliée. C'est désormais chose faite : le lieutenant Liu est montée à bord du vaisseau spatial Shenzhou-9, qui s'est envolé pour l'espace peu après 10h30 (TU).

Un pigeon dans le réacteur

L'identité de la passagère a été tenue secrète jusqu'au décollage. Mais la légende était déjà prête. Depuis quelques jours, des pages de la biographie du « pilote héro » étaient distillées au compte-gouttes dans les journaux. Liu Yang est née en 1978 à Zhengzhou dans la province du Henan, au centre de la Chine.

Issue d’une famille ouvrière, « c’est une fille simple, souriante, un peu timide mais avec un caractère obstiné », se souvient Liu Qian, une copine du collège. Comme tout bon soldat du Parti communiste chinois, les origines agricoles ne sont pas loin non plus. « Je suis née en octobre pendant les récoltes d’automne. Le soir venait de tomber et tout le monde avait fini sa journée de travail. Ma mère m’a surnommée ' le cheval paresseux ' à ma naissance », confie Liu Yang aux Nouvelles de Pékin. Ce qui n’empêche pas la jeune fille d’être première de sa classe et d’accéder à l’école de Changchun où sont formées les pilotes d’élite de l’armée populaire de libération.

Et voilà déjà le premier saut en parachute. Liu Yang appréhende. Elle appelle sa mère qui la rassure. C’est le grand saut dans l’âge adulte : pendant quatre ans, la jeune femme se consacre entièrement à l’apprentissage de son métier sans voir une seule fois ses parents. Puis arrive l’incident qui forge un caractère, c’est la page frisson de cette biographie semi-officielle : lors d’un entraînement, le plan de vol n’avait pas prévu l’arrivée d’une escouade de pigeons. Un volatile vient se loger dans un réacteur. « Un des moteurs prend feu […] l’avion secoue dans tous les sens », rapportent les sites d’informations sur internet . La jeune femme « conserve son calme » et réussit à poser l’appareil aussi tranquillement qu’on remet un vélo sur sa béquille. La légende du major Liu est née.

Chasseuse d’orages

Cinquante-six femmes de huit nationalités, dont 46 Américaines, font parties pour l’instant du club très sélect des voyageuses de l’espace. Comme prévu, la Chine est donc le troisième pays au monde à envoyer par ses propres moyens l’une de ses ressortissantes en orbite. Liu Yang est définitivement la première femme chinoise de l’espace. Mais, affirme le quotidien Xiandaikuaibao, « Jusqu’au décollage, le nom des membres d’équipages » devait « rester top secret ».

Deux candidates étaient donc officiellement en lice jusqu'au dernier moment. Leurs photos basse résolution sur fond rouge ont fait leur apparition lundi dernier. La rivale de Liu Yang s’appellait Wang Yaping. Elle aussi est devenue la reine des situations d’urgence au sein de l’unité de vol de la base de Wuhan, dans la province du Hebei mais, cette fois, ce n’est pas lié à une pluie de pigeons sur le cockpit.

Le pilote Wang a effectué plusieurs missions de sauvetage lors du tremblement de terre au Sichuan en 2008. L’été de la même année, Wang Yaping est à nouveau aux commandes pour bombarder le ciel de la capitale chinoise. Mission : crever les nuages et chasser les orages pendant toute la durée des Jeux Olympiques.

Concernant la vie personnelle, toutes les deux sont mariées, seraient âgées de 34 ans et  auraient intégré l’armée en tant que cadet en 1997. Enfin, comme il existe des générations de dirigeants chinois ou de réalisateurs de cinéma, toutes les deux font partie de la « septième génération de femmes pilotes », souligne Le Quotidien du Peuple.

Une bonne épouse, une bonne mère, un bon pilote

Ces profils lissés par la propagande sont nouveaux pour l’opinion publique chinoise. Contrairement aux pionniers de l’espace, les femmes taïkonautes ont jusqu’à présent été maintenues dans l’ombre. Le nom des deux candidates est ainsi apparu pour la première fois sur une enveloppe l’année dernière. Liu et Wang ont alors dédicacé un timbre commémoratif en compagnie de cinq camarades de leur classe d’astronautes.

Pour le reste, les biographies officielles restent floues. Il n'est pas facile en effet d’être une femme de l’espace aujourd’hui. Non seulement il faut savoir piloter « 4 types d’avions de chasse », mais il faut aussi être une bonne épouse et une bonne mère. « Une astronaute doit se marier, avoir des enfants et être âgée de plus de 25 ans », précise Xu Xianrong.

Ces exigences sont destinées à s’assurer que la candidate est « physiquement et mentalement mature », poursuit ce médecin de l’hôpital général de l’armée de l’air à Pékin. « Elles ont été sélectionnées parmi 15 femmes devant être mariées et ayant donné naissance naturellement », lit-on encore dans le magazine de l’Académie chinoise des technologies spatiales.

La prestigieuse institution aura été mal informée : contrairement à Wang Yaping, Liu Yang n’a pas d’enfant. La première Chinoise de l’espace n'est donc pas maman ! Un point sur lequel, pour l’instant, les médias officiels ne se sont pas attardés, préférant mettre en avant d’autres critères. « Elles ne doivent pas avoir de caries ou porter des cicatrices », explique ainsi Pan Zhihao, « car le moindre défaut risque de s’aggraver pendant la mission ». Enfin, « elles ne doivent pas dégager d’odeurs corporelles […] car les conditions exiguës intensifient les odeurs», ajoute avec beaucoup de délicatesse le rédacteur en chef du magazine de l’Académie des technologies spatiales.

Le premier chauffe-plats dans l’espace

Le 16 juin prochain, il y aura 49 ans, une citoyenne de l’ex-Union soviétique effectuait son premier voyage dans l’espace. Si les conditions météorologiques le permettent, la date devrait donc être retenue pour le départ de Shenzhou-9 dans un pays qui croit aux chiffres et aux symboles.

En 1963, Valentina Terechkova avait été décrite comme un « parachutiste trapu » rappelle le NYT. Il est vrai que le culte du secret était encore plus grand à l’époque. Le jour J, la jeune Russe âgée de 26 ans a simplement fait savoir qu’elle allait s’entraîner à sauter en parachute. Ses proches ont découvert l’exploit dans la presse. Les choses ont un peu évolué depuis. En juin 1963, Valentina Terechkova a fait 48 tours autour de la Terre à bord du Vostok. Le vaisseau spatial russe avait alors été rebaptisé « la boite de conserve » par les spationautes.

Tiangong-1 n’est pas beaucoup plus grand, mais les Chinois savent visiblement y faire en matière de rangement. « Bien que le module ne fasse que 15 m3, la taïkonaute aura un WC séparé et une chambre insonorisée afin de protéger sa vie privée […] Elle sera également en mesure de prendre un bain à l’éponge avec plus d’eau que ses homologues masculins », selon le Quotidien du Peuple.

Le lieutenant Liu a également droit à une trousse de maquillage même si, à bord,  la sobriété reste de mise. « Les autres filles étaient préoccupées par leur apparence et portaient des vêtements colorés, Liu Yang est restée naturelle », s’est empressé de rappeler son ancien professeur du lycée n°11 de Zhengzhou.

Enfin, dernière précision mais qui a son importance, « l’équipage apportera un chauffe-plats et pourra pour la première fois bénéficier de repas chauds tous les jours ». On ne sait pas qui fera la cuisine pendant les deux semaines que devrait durer cette mission. Une chose est sûre, pour de très nombreux internautes ce mercredi 13 juin 2012, la future dame des étoiles sera la nouvelle « Chang’e ». La déesse légendaire, qui vola jusqu’à la Lune avec son lapin de jade, a donné son nom aux sondes orbitales chinoises.

Plus d'informations :

Sur le site universcience.fr : Taïkonaute : le géant chinois s'éveille

Sur le site du Telegraph : China's first female astronaut prepares for launch

Sur le site du Wall street journal : Meet China’s First Female Astronaut-Maybe

Sur le site du China Daily

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