Si l’Organisation de Coopération de Shanghai est un « machin » au même titre que l’était l’Otan pour le général de Gaulle, c’est devenu un gros machin médiatique. Les Chinois ont mis le paquet sur la communication. Le sommet accueille 900 journalistes aux petits oignons, mais qui ont dû se lever tôt pour prendre les navettes, car tout le centre de Pékin autour de la place Tienanmen est entièrement bouclé.
Journalistes turkmènes
Tapis orange, murs orange, les tons sucrés des 1000 m2 du centre de presse au cœur du Palais du Peuple sont là pour « donner de la chaleur à l’évènement », confie une hôtesse. L’OCS en a bien besoin. Sur un écran géant, six grosses pendules donnent l’heure de Moscou, de Pékin, d’Astana, de Bichkek, de Dushanbe et Tachkent.
Une manière de rappeler que l’organisation a été fondée en 2001 pour assurer l’harmonie et la sécurité dans les ex-républiques soviétiques d’Asie centrales, suite à l’effondrement de l’URSS. Les couloirs du Palais du Peuple vont donc parler russe pendant deux jours. Quatre-vingt journalistes de la fédération de Russie ont fait le déplacement.
On croise également ici des confrères que l’on voit habituellement rarement sur le terrain, comme cette importante délégation de la télévision d’Etat Turkmène portant les bonnets en laine bouillie traditionnels et suivant à la trace le président Gurbanguly Berdymukhamedov.
Entraînements militaires
Fondée en 2001 sur les décombres de l’ex-URSS, l’Organisation de Coopération de Shanghai comprend la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Les six pays organisent régulièrement des manœuvres militaires communes. Au lendemain du sommet, vendredi 8 juin, un exercice militaire est prévu à Khujand dans le nord du Tadjikistan et deux mille soldats de l’alliance, dont trois cent soixante neuf chinois, doivent y participer.
Mais Pékin et Moscou ne veulent plus se contenter de faire courir des hommes en treillis dans le désert de Gobi ou aux pieds des Monts du Ciel. Russes et Chinois qui jouent la même musique sur la question syrienne depuis plusieurs mois entendent étendre l’influence de l’Alliance aux frontières de l’Asie centrale.
Le président Pakistanais Asif Ali Zardari arrivé ce mercredi matin à Pékin a renouvelé sa demande d’adhésion, même chose pour le Ministre Indien des Affaires étrangères, l’Inde faisant partie comme l’Iran et l’Afghanistan des quatre pays invités cette année au rang d’observateurs.
Stabilité en Afghanistan
« Le retrait précipité des forces de la coalition déployées en Afghanistan comporte des risques graves pour la sécurité et la stabilité dans la région, ce qui oblige les pays de l'OCS à prendre des mesures supplémentaires en vue de renforcer la coopération sécuritaire et d'impliquer les autorités afghanes dans le travail commun », a déclaré dès dimanche le ministre Russe des Affaires Etrangères, Sergei Lavrov, dans une interview accordée à l'agence Chine Nouvelle.
« Nous allons continuer à nous prémunir contre les turbulences extérieures à la région et jouer un rôle plus important dans la reconstruction pacifique de l’Afghanistan », a fait savoir en écho le président chinois Hu Jintao, dans une interview accordée au Quotidien du Peuple.
Le président afghan Hamid Karzai souhaite lui aussi faire partie du club. Une demande d’adhésion qui constitue un défi pour l’OCS. Combler le vide laissé après le départ des Américains en 2014 n’est pas exempt de risques, les Russes en ont déjà fait l’expérience. Les Chinois restent d’ailleurs également très prudents sur le sujet, préférant pour l’instant participer financièrement à la reconstruction du pays. Les investissements dans les mines ou dans les chantiers de construction ne peuvent se développer que si les conditions en matière de sécurité sont réunies, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.
38,5 milliards de dollars de prêts chinois
Le sommet de Pékin, qui sur le papier est censé renforcer la cohésion stratégique des Etats membres de l’organisation, est surtout révélateur de la force d’attraction que constitue la croissance chinoise dans un monde en crise. Dans la pratique, le club de Shanghai reste un regroupement économique plus qu’une union stratégique. Les échanges entre les six pays membres de l’OCS ont été multipliés par 6 en 10 ans pour atteindre 84 milliards de dollars en 2011.
L’accent étant mis cette année sur le développement des transports, avec le projet sino-russe de construction d’un avion gros porteur. Chinois et Kirghizes se seraient également mis d’accord sur la construction d’une ligne de chemin de fer et une voie express entre Kachgar dans la province chinoise du Xinjiang et la ville de Osch au Kirghizstan, selon le site d’information Dongfangwang.
L’énergie restant toutefois la priorité de Pékin comme l’a rappelé le directeur de la banque chinoise de développement cet après-midi dans une conférence en marge du sommet. Ainsi, 38,5 milliards de dollars de prêts vont être accordés aux pays de l’OCS a expliqué Chen Yuan, dont 28,6 milliards réservés à des projets en Russie.