Les forces de l'ordre sont venues à bout dans la nuit de dimanche à lundi des derniers assaillants retranchés à Kaboul, après dix-sept heures de combat, avec l'appui des hélicoptères américains. Plusieurs membres du Parlement afghan ont pris les armes et se sont joints aux forces de sécurité pour repousser les assaillants. A Kaboul, les cibles visées ont été le Parlement, un vice-président, le QG de la force internationale de l'Otan (Isaf), et des ambassades occidentales, dont les missions britannique et allemande.
Au même moment, des bâtiments du gouvernement et un aéroport abritant une base militaire de l'Otan ont été attaqués dans trois capitales provinciales de l'est du pays : Jalalabad, Gardez et Pul-e-Alam.
Fin de la trêve d’hiver
Les attaques de dimanche annoncent la fin de la trêve relative d'hiver. Tous les ans, les insurgés islamistes cessent ou réduisent leurs activités pendant la saison froide, mais l'arrivée du printemps et du dégel dans les montagnes afghanes favorisent les opérations militaires, dès que les cols deviennent accessibles.
Ces attaques concertées sont parmi les plus importantes dans la capitale afghane depuis les talibans ont été chassés du pouvoir fin 2001, par une force internationale emmenée par les Etats-Unis, à la suite des attentats du 11-Septembre. Le régime des talibans (1996-2001) avait accordé sa protection à al-Qaïda et à son chef Oussama ben Laden.
Intensification de l’insurrection islamiste
Les rebelles islamistes ont intensifié leur insurrection ces trois dernières années, avec des actions de guérilla de plus en plus audacieuses presque partout dans le pays. En septembre dernier déjà, les talibans avaient lancé des attaques coordonnées dans la capitale, visant l'ambassade des Etats-Unis et une base militaire de l'Otan. Les combats avaient duré 19 heures et avaient fait 14 morts.
Zabihullah Mudjahid, le porte-parole des talibans qui ont revendiqué la responsabilité de ces attaques, a déclaré qu'elles étaient préparées depuis deux mois, et qu'elles marquaient le début de la traditionnelle « offensive de printemps ». Il a expliqué qu'il s'agissait de représailles pour venger plusieurs incidents produits ces derniers temps en Afghanistan, dont le massacre de 17 villageois par un soldat américain près de Kandahar et l'affaire des Corans brûlés retrouvés dans les poubelles d'une base militaire de l'Otan. Ces incidents ont exacerbé les tensions dans le pays ces derniers mois.
La force internationale compte encore quelque 130 000 soldats, dont plus de deux tiers sont américains. L'Otan et les Etats-Unis ont entamé un processus de retrait de leurs troupes combattantes censé s'achever fin 2014.
Les talibans ont démontré encore une fois qu'ils sont capables de frapper de manière coordonnée quand ils le veulent et où ils le veulent - y compris à Kaboul, capitale ultra-sécurisée, devenue un véritable camp retranché. Certains experts craignent un pourrissement du conflit : ils mettent en évidence le fait que les talibans ont réussi a lancer simultanément des attaques, ce qui démontrerait un certain degré de perfectionnement dans leur aptitude à se mouvoir sans être détectés.
Le bourbier afghan
En tout cas, cette démonstration de force augure bien mal de l'avenir de ce que certains appellent déjà « le bourbier afghan ». Les forces internationales ont commencé leur retrait, et les forces afghanes doivent prendre progressivement en mains la sécurité du pays, d'ici à la fin 2014. Les experts considèrent qu'elles n'y seront pas prêtes, en raison du manque de moyens, de la corruption et de l'infiltration par les insurgés.
Le président afghan Hamid Karzaï, qui a évoqué, sans insister, un échec du renseignement des forces afghanes et de l'Otan, a tenu toutefois à déclarer que les forces de sécurité se sont montrées capables de défendre leur pays et d'en assurer la sécurité.
Le commandant américain de la force de l'Otan, le général américain John Allen, a vanté la rapidité de la riposte des forces afghanes à Kaboul. L'ambassadeur américain en Afghanistan, Ryan Cocker, a considère que les forces afghanes font des progrès dans leur capacité à prendre la relève des soldats étrangers.
Les attaques surviennent à moins d'un mois du sommet de l'Otan à Chicago, réunion au cours de laquelle les Occidentaux vont fixer le cadre de leur soutien à Kaboul, après de retrait des forces internationales combattantes. Par ailleurs, depuis quelques mois, les Etats-Unis insistent pour négocier directement avec les talibans, qui sont tentés de faire monter les enchères, pour être en position de force par rapport aux Américains.