La fusée nord-coréenne Unha-3 a fait long feu

La Corée du Nord a raté ce vendredi 13 avril le tir d'une fusée qui devait mettre en orbite un satellite d'observation terrestre. Cette « provocation » dénoncée par la communauté internationale a suscité la convocation en urgence du Conseil de sécurité de l'ONU. Depuis des années maintenant, Pyongyang est soupçonné de vouloir se doter d’armes nucléaires à longue portée, sous couvert d’un programme de recherche spatial.

Dès avril 2009, la Corée du Nord avait essayé de lancer une fusée Unha (Galaxy), dans l'espoir de placer un satellite en orbite, mais l'engin avait terminé sa course dans l'océan Pacifique après avoir parcouru 3 200 kilomètres. Trois ans plus tôt, le « grand frère » de cette fusée, le missile longue portée Taepodong-2 avait, lui aussi, explosé en vol, quarante secondes après sa mise à feu.

Ce vendredi 13 avril, il était trop tôt pour savoir précisément, ce qui avait techniquement conduit à l’échec du tir de la fusée Unha-3 depuis la base de Tonchangri. Les ingénieurs nord-coréens n’ont pas souhaité commenter l’accident. La fusée était équipée d’un système d’autodestruction pouvant être actionné en cas de défaillance. D’après des observateurs invités en Corée du Nord pour l’occasion, « la fusée a fonctionné à peu près une minute. Le tir était donc dans la phase d'utilisation du premier étage de l'engin. Cette phase devait durer environ 120 secondes avant le détachement du propulseur principal ».

Deux autres étages devaient prendre la suite pour envoyer le satellite Kwangmyongsong-3 (étoile brillante) dans l'espace. Les étages numéro 2 et 3 « n’ont pas été mis à feu », a confirmé le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) qui suivait de près le tir, tout comme trois destroyers japonais de type Aegis qui se tenaient prêts à intercepter la fusée, en cas de besoin.

Les limites de l'industrie spatiale nord-coréenne

La mésaventure du programme Unha-3 vient rappeler qu’il n’est pas si simple d'assembler des technologies relativement éprouvées pour construire une fusée ou un missile intercontinental.

Si l'on découpe « en tranche » la fusée, les deux premiers étages utilisaient des moteurs à carburant liquide dérivés de ceux montés sur les missiles Rodong-1 (1 300 km de portée), eux-mêmes issus des missiles sol-sol « Scud » conçus du temps de l'Union soviétique à partir des années 50-60 ! Le troisième étage provenait des missiles nord-coréens Taepodong-2 (6 700 km de portée).

Quelque chose n’a pas fonctionné dans ce « mécano », mais « l’intégration des systèmes » - c'est-à-dire leur agencement afin qu’ils fonctionnent parfaitement ensemble - est toujours une tâche délicate dans le secteur aérospatial. Réussir la fabrication et la mise au point d’engins à longue portée nécessite également la maîtrise simultanée de plusieurs technologies de pointe comme les matériaux qui sont soumis à de très fortes contraintes dynamiques et thermiques, l'électronique qui est utilisée dans les systèmes de stabilisation de la fusée, ou encore la chimie pour la mise au point des ergols : les carburants des fusées.

La tâche est encore plus grande pour la Corée du Nord, qui ne peut pas acheter à l’étranger ce qu’elle peine à fabriquer chez elle. Seule la Chine apparaît comme un partenaire stratégique et industriel pour le régime de Pyongyang, mais historiquement, toutes les nations qui se sont lancées dans la conquête spatiale ou dans la mise au point de missiles stratégiques ont connu des échecs retentissants.

Un couple missile/charge nucléaire difficile à maîtriser

Ces dernières années, chaque tir expérimental de fusée Unha-3 ou de missile Taepodong-2 s’est accompagné d’un essai nucléaire dans la foulée. Ce fut le cas, en 2006 et en 2009. Les experts estiment que la Corée du Nord cherche à se doter de missile nucléaire à longue portée, de manière à « contourner les défenses régionales américaines, particulièrement les bases installées en Corée du Sud, et au Japon, afin de porter la menace directement sur le territoire des Etats-Unis ». Les Américains s’y préparent avec leurs défenses anti-missiles (ABM) mais le niveau technologique de la Corée du Nord leur donne encore quelques années de répit.

En dehors des difficultés, liées à la mise au point des vecteurs, c'est-à-dire les lanceurs (fusées), les experts s’interrogent sur la réelle capacité des ingénieurs nord-coréens à miniaturiser une arme nucléaire. Ainsi la « charge utile » de la fusée Unha-3 ne dépasse pas les 100 kg, alors que la première bombe américaine, « Little boy », mesurait trois mètres de long et pesait environ quatre tonnes ! Enfin les Taepodong-2, et leur petite sœur Unha-3, sont des engins à carburant liquide, ce qui impose un temps particulièrement long pour remplir les réservoirs, et ce qui priverait les militaires nord-coréens de tout effet de surprise.

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