La communauté internationale dans l’attente du lancement de la fusée nord-coréenne

Une cinquantaine de journalistes avait été invitée le week-end dernier à venir voir de près la fusée nord-coréenne Unha-3, qui doit être lancée d’ici quelques jours pour fêter les 100 ans de la naissance de Kim Il-sung, le fondateur de la Corée du Nord. Pyongyang veut prouver qu’il s’agit bien d’une opération à visée civile, et non militaire comme l’en accusent la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis.

Une opération de communication exceptionnelle

Faire venir une cinquantaine de journalistes étrangers en Corée du Nord, un pays que le régime tient depuis près de 60 ans hermétiquement fermé, et les amener au plus près de son équipement top secret. L’exercice est pour le moins inédit pour Pyongyang. Mais, comme prévu, les reporters ont pris le train pour la province côtière de Cholsan, à l’extrême nord-ouest du pays. Là les attendait Tongchang-ri, « le centre spatial de l’ouest » comme l’appellent les Nord-Coréens, et Unha-3, la fusée blanche aux lettres bleues dressée sur son pas de tir : 30 mètres de haut, 2,50 mètres de diamètre, et des réservoirs que les Coréens auraient commencé à remplir de carburant à en croire la presse japonaise.

Visible aussi, le satellite qu’Unha-3 est supposée mettre en orbite : Kwangmyongsong-3, 100 kilos, cinq antennes, et des panneaux solaires qui doivent l’alimenter en électricité pendant deux ans. « Etoile brillante » doit fournir des informations sur les récoltes, les forêts et les ressources naturelles de Corée du Nord.

C’est en tous cas ce qu’affirme le régime nord-coréen : à en croire la Corée du Sud, le Japon et les Etats-Unis, Pyongyang teste en fait un missile balistique intercontinental qui pourrait à terme porter une charge nucléaire. D’ailleurs selon l'agence sud-coréenne Yonhap qui cite un responsable du renseignement sud-coréen, un troisième essai nucléaire serait en préparation… Tout cela étant évidemment en violation des résolutions de l’ONU.

Et c’est pour convaincre la communauté internationale de sa bonne foi que Pyongyang a permis à tous ces journalistes de franchir la frontière et de venir mettre leur nez jusque dans le centre de commandement de la fusée. Avec le chef du centre spatial en personne, Jang Myong-Jin, pour répondre à toutes leurs questions pendant plus de trois heures.

Renforcer un jeune président, Kim Jong-un

A en croire les autorités, cette opération de « transparence » aurait été « décidée et voulue » par le nouveau président Kim Jong-un, arrivé au pouvoir en décembre dernier à la mort de son père Kim Jong-il. Une mise en avant logique, puisque l’objectif de ce tir est de renforcer l’autorité du jeune président par une provocation destinée aux pays voisins : Corée du Sud et Japon, mais aussi aux Etats-Unis et à la communauté internationale.

Evidemment, Pyongyang s’en défend : le lancement a été « planifié de longue date » pour fêter les 100 ans du fondateur de la République populaire démocratique de Corée, Kim Il-sung, le grand-père de Kim Jong-un. Des centaines de milliers de personnes sont d’ailleurs attendues le 15 avril dans les rues de la capitale.

Mais comme par hasard, c’est fort de ses nouvelles fonctions que Kim Jong-un présidera ces festivités : jusqu’ici il n’était que commandant suprême des forces armées. Dès vendredi il sera aussi devenu secrétaire général du Parti (unique) et chef de la puissante Commission de défense nationale du Parlement. Et ce lancement de fusée, prévu entre le 12 et le 16 avril, sera bien une médaille supplémentaire à sa boutonnière...

Des voisins en état d’alerte

En fait, cette affaire de fusée a pris tout le monde de court : deux semaines avant son annonce par Pyongyang, la Corée du Nord acceptait un moratoire de ses tirs de missiles, de ses essais nucléaires et de toute activité d’enrichissement d’uranium. En échange, Washington prévoyait d’envoyer 240 000 tonnes d’aide alimentaire, dans un pays qui continue à souffrir de graves pénuries alimentaires – selon les ONG la famine du milieu des années 1990 aurait fait plusieurs centaines de milliers de morts.

Du coup, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils suspendaient tout envoi de nourriture, et les voisins de la Corée du Nord ont commencé leurs préparatifs : la Corée du Sud et le Japon ont prévu de détruire la fusée si elle s’éloignait du couloir prévu – le premier étage doit tomber à l’ouest de la péninsule coréenne, dans la mer Jaune, et le deuxième à l’est des Philippines, après avoir survolé le sud du Japon (les îles d’Okinawa). Le Japon a mis des batteries antimissiles à Tokyo et Okinawa, et envoyé trois destroyers dotés de missiles intercepteurs en mer de Chine orientale.

Pyongyang a invité Tokyo à envoyer des observateurs pour assister à l’envol de la fusée. Refus du Japon : en 2009, une fusée nord-coréenne avait déjà survolé le nord du territoire, là aussi elle était censée mettre un satellite en orbite. Le Conseil de sécurité de l’ONU avait condamné le tir et alourdi les sanctions à l’égard du régime. En représailles, Pyongyang s’était retirée des pourparlers à six sur la dénucléarisation.

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