Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
Depuis 8h ce samedi matin, impossible de commenter les messages sur les forums Sina et QQ. Quelques lignes lapidaires viennent avertir les près de 400 millions d’utilisateurs de ces deux principales plateformes de weibos en Chine : « du 31 mars à 8h du matin jusqu’au 3 avril à 8h du matin les weibos sont fermés aux commentaires ».
Ces courts messages de moins de 140 caractères sont régulièrement visés par les censeurs, mais pour la première fois, l’interdiction de commenter s’applique à tous les messages quelque soit leur objet
Epreuve de force
« Il y a déjà eu des tentatives de censure l’année dernière, confie Renaud de Spens. Certains posts ont été fermés aux commentaires, d’autres ont été fermés aux retransmissions, poursuit le sinologue et spécialiste de la blogosphère chinoise basé à Pékin.
Mais c’est la première fois dans l’histoire de weibos, qu’ils enlèvent une fonctionnalité importante, à savoir le fait de pouvoir commenter les messages en ligne. En plus c’est sans discrimination aucune, c’est donc une décision assez grave. On sent ici l’épreuve de force ! »
Alors que les médias chinois sont encore largement soumis à la censure, les weibos sont devenus pour leurs utilisateurs l’un des principaux moyens de s’informer en Chine. Cette décision trahie donc la fébrilité des autorités qui, au contraire, voient dans ces forums de véritables usines à « rumeurs », les commentaires s’ajoutant aux commentaires et finissant par faire boule de neige. La décision de ce matin a d’ailleurs été précédée par une dépêche de Xinhua. Les rumeurs sont les « tumeurs malignes de l’internet », affirmait dès hier soir l’agence Chine Nouvelle.
Crainte d’un emballement
Or, la période est jugée sensible par les autorités qui craignent un emballement sur le web. Le Parti communiste chinois prépare sa succession prévue pour le prochain congrès en mars 2013 et chaque jour, de nouveaux signes semblent trahir d’intenses luttes internes au sein de l’appareil d’Etat.
Cette décision intervient aussi alors que la chute d’un potentat du régime, l’ancien chef du PC de Chongqing, Bo Xilai, au début du mois, n’en finit pas justement de susciter des spéculations sur internet.
Avalanche de commentaires encore la semaine dernière : la machine weibos s’est emballée autour, rien de moins qu’un supposé coup d’Etat en cours dans la capitale chinoise ! Ce week-end est en effet suivi par trois jours fériés en Chine pour la fête des ancêtres mercredi prochain : « Ils ont peur qu’on profite de ces jours de repos pour aller massivement sur internet, commentait ce samedi matin un weibonaute. Nous on est calme… ce sont eux qui s’agitent ! »