Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
Au ping-pong, on appelle cela « taper les balles très au bord de la table ». C’est aussi l’expression qu’emploient les journalistes en Chine pour dire qu’ils frôlent avec les limites de la censure. Il faut d’ailleurs bien le chercher ce sondage, quatre petits camemberts en noir et blanc en page deux du Global Times daté du 12 mars, autrement dit dans la version anglophone du Huanqiu Shibao, inaccessible à la majorité des Chinois.
Il n’en reste pas moins que cette étude menée auprès de « citoyens âgés de 15 ans et plus, dans sept villes pendant huit jours » et surtout sa publication sont d’une audace folle dans le contexte des deux Assemblées réunies en session plénière jusqu’à demain mercredi à Pékin et alors que ce week-end encore, le conseiller d’Etat Wu Bangguo et actuel président de l’ANP appelait les députés à « bannir les idéologies et les théories erronées ».
Il est « hors de question », disait encore Wu Bangguo, que la Chine sorte du « socialisme aux caractéristiques chinoises ». Comme d’habitude, l’article commence par souligner ce qui va bien et accompagne la parole officielle. « La moitié des sondés ne s’inquiètent pas de l’instabilité si les réformes sont approfondies, et 80% d’entre eux ont la foi dans les futures réformes », dit le journal.
Cela posé, les camemberts disent tous le contraire : 47,9% des personnes interrogées ne sont pas opposées à l’adoption de la démocratie à l'occidentale même si elles jugent cela peu réaliste. 15,7% d’entre elles pensent même que ce passage est possible.
Pour 62% des sondés en revanche, des « groupes protégeant leurs intérêts » s’opposent aux réformes, ce qui pour 34,4% des interrogés pourrait « peut-être » conduire la Chine à une révolution !
Les éditeurs et les auteurs du sondage risquent probablement de se faire taper sur les doigts. En jouant avec la censure, ils pointent la ligne de rupture qui existe au sein du Parti communiste entre réformistes et conservateurs, et ce à un an d’un changement d’équipe à la tête de l’Etat chinois.