Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
Voilà une histoire qui rappellera certainement quelque chose aux amateurs d’Astérix et Obélix. Sauf qu’ici, ce n’est pas un « grand fossé » qui sépare les deux localités en conflit, mais le Yangtsé. En amont du fleuve, du côté de la province du Jiangxi, le district de Pengze s’apprête à recevoir un réacteur tout neuf construit par la China Power Investment.
La centrale devrait être opérationnelle dès 2015 et alimenter tout l’est de la Chine en électricité, assurent les autorités. Sur l’autre berge, à quelques centaines de mètres en aval dans la province de l’Anhui, le district de Wangjiang n’est pas d’accord. « La centrale est trop proche de nous, s’inquiète une habitante. J’ai peur de la pollution que ça va engendrer, et puis s’il arrive une catastrophe naturelle, on ne sait pas ce qui peut arriver. Vous avez vu ce qui c’est passé au Japon ! ».
Un rapport à charge
Pour s’opposer au projet, les autorités de Wangjiang ont écrit un rapport à la mi-novembre dénonçant un choix qualifié de non conforme en matière de sécurité : en raison de la proximité d’une zone industrielle, en raison aussi de la densité des agglomérations environnantes (620 000 habitants rien que pour le district de Wangjiang) et surtout en raison de la sismicité supposée de la région.
Sur l’autre rive évidement, Hu Bin, le directeur du bureau du nucléaire de Pengze affirme que le site choisi est au contraire parfaitement « conforme aux règlements » et appuyé par la population. Mais depuis hier soir, sur internet, les langues se délient : « Je n’ai jamais répondu a aucun sondage » commente un internaute. « Ils ont distribué des tubes de dentifrices et des cadeaux pour que les habitants d'en face donnent leur accord » affirme un autre.
Cette polémique intervient alors que Pékin vient de confirmer la mise en service de son premier réacteur de troisième génération en 2013. Construit à Sanmen dans la province du Zhejiang, l’AP1000 à eau pressurisée a été conçu par les Américains de Westinghouse. Les interrogations sur la sécurité du programme nucléaire chinois qui ont suivi la catastrophe au Japon semblent donc oubliées. La Chine compte aujourd’hui 13 centrales. Vingt-sept nouveaux réacteurs sont en cours de construction.