Le ministre français de la Défense à Kaboul au lendemain de la mort de quatre soldats français

Gérard Longuet, le ministre français de la Défense, est arrivé à Kaboul ce samedi 21 janvier 2012. Une visite décidée dans l'urgence, vendredi, après la mort de quatre soldats français engagés dans les forces internationales déployées dans le pays. Des soldats qui ont été abattus par un militaire afghan dont ils étaient chargés de la formation. Une action revendiquée par les talibans, qui pose la question d’un retrait anticipé des troupes françaises du pays.

L’avion de Gérard Longuet s’est posé en début de matinée sur l’aéroport militaire de Kaboul (Kaia). Immédiatement, le ministre de français de la Défense s’est rendu auprès des soldats français blessés lors de l’attaque du 20 janvier. Il a pu monter à bord d’un avion chargé du rapatriement des 15 victimes. Cinq militaires sont encore dans un état grave. « Le pronostic vital est engagé pour un certain nombre d’entre eux. Un soldat est très gravement blessé. Son pronostic vital est engagé à court terme », explique à l’AFP un médecin militaire français.

Le bilan de l’attaque de vendredi est très lourd. Les militaires ont été abattus par un soldat afghan à l’intérieur même d’une base militaire, la base de Gwan située dans la province de Kapisa, à l’est de Kaboul. Les hommes étaient en train de faire leur jogging matinal, sans arme et sans gilet pare-balles, lorsqu’ils ont été fauchés par les tirs. « Un assassinat » pour Gérard Longuet sur lequel il faudra faire toute la lumière.

Un taliban infiltré

Selon les premiers éléments communiqués par un général afghan aux autorités françaises le militaire afghan responsable de la mort des soldats français été « un talibans infiltré depuis longtemps ». Cet homme de 21 ans a été arrêté après le drame. Il s'agirait d'un ancien soldat de l'armée afghane qui a déserté. Il serait ensuite probablement passé au Pakistan avant de s'engager de nouveau au sein de l'Armée nationale afghane (ANA). Il était depuis environ deux mois dans l'unité basée à Gwan.

Obtenir le maximum de réponses, c'est notamment le but du voyage de Gérard Longuet. Pour la suite de sa visite le ministre doit rencontrer un certain nombre d’officiels afghan et étrangers. Il s’entretiendra notamment avec le président Hamid Karzai dimanche. Et la discussion devrait porter sur les conditions sécuritaires des soldats français engagés au côté de l’armée afghane. En effet, les militaires tués et blessés hier étaient chargés de la formation et de l’accompagnement des militaires afghans. Et c’est l'un d’entre eux qui a retourné son arme contre ses formateurs.

Un retrait anticipé envisagé

C’est le deuxième incident du genre en moins d’un mois pour l’armée française. Déjà, à la fin décembre un militaire afghan avait abattus deux soldats français en leur tirant dans le dos. Face à cette situation le président français Nicolas Sarkozy a pour la première fois évoqué un retrait anticipé des forces françaises si les conditions de sécurité ne sont pas « clairement établies ». Gérard Longuet devra faire un rapport sur cette question au chef de l’Etat.

En attendant, le ministre a déclaré ce matin lors de son arrivée à Kaboul que la mission des force française restait « exactement la même ». Il s’agit de « faire émerger une force stable pour transmettre le relais aux Afghans ». « Nous devons engager une réflexion pour appuyer un travail qui est une réussite », a tenu à ajouter Gérard Longuet.

Il a notamment précisé que si les soldats français n’étaient plus en première ligne lors des combats contre les insurgés, ceux qui étaient « au contact quotidien » avec l’armée afghane étaient les plus exposés. « Les talibans lorsqu’ils ne peuvent plus conduire des actions frontales, ils s’efforcent d’exister. C’est pourquoi nous avons observé en 2011 ces tentatives de pénétration par de faux soldats afghans mais vrais talibans revêtus de l’uniforme ».

Une situation qui doit être améliorée pour le ministre avec l’instauration dans les bases partagées, par exemple, de règles de séparations absolues. Autre mesures simples envisagées rapidement ne plus laisser « d’unité sans armes ».

Les Etats-Unis prudents sur un retrait français

Sur le retrait anticipé, les Etats-Unis qui dirigent la coalition n’ont pas voulu en rajouter. « Nous n'avons aucune raison de penser que la France va accélérer le retour de ses soldats d'Afghanistan », a déclaré vendredi Hillary Clinton. La secrétaire d'Etat américaine doit craindre que la menace française, si elle est mise à exécution, n'augmente les attaques des talibans et surtout n'accélère le retrait des autres composantes de l'Isaf.

Car si la décision a été prise il y a deux ans, à Lisbonne, de quitter le pays d'ici 2014 et si des chiffres et des dates ont été avancés par les plus gros contributeurs (le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, la Pologne) personne n'a vraiment bougé, à part le Canada, qui a déjà rapatrié ses 9 000 soldats l'an dernier, et la France, qui a ramené 400 de ses 4 000 hommes. D'ailleurs le contingent américain, le plus important, est resté stable en 2011, 90 000 hommes -même si 30 000 doivent faire leurs bagages d'ici cet été.

Car aujourd'hui, il s'agit surtout de se désengager du pays le moins mal possible : depuis 2005, les talibans ont réussi à relancer une véritable insurrection, malgré les 130 000 hommes de l'Isaf. Et si le Pentagone estime que la mission d'entraînement de l'armée afghane, sensée prendre la suite, est une réussite, les rapports qui ont « fuité » disent exactement le contraire. D'ici 2014, l'Isaf n'a donc que peu de temps pour achever cette formation et ce sera d'autant plus difficile si les formateurs suspendent leurs actions ou rentrent chez eux.

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