Les premières images de ces funérailles nationales ont été retransmises à la télévision. Symbole du culte du secret entretenu dans le pays, aucune délégation étrangère n'a été invitée aux obsèques.
Le pays le plus fermé du monde a voulu une cérémonie grandiose pour son défunt leader, à l'image de celle qui avait marqué, 17 ans plus tôt, les funérailles du père fondateur de la dynastie, Kim Il-sung.
A l'issue d’une marche funèbre de trois heures dans la capitale enneigée devant une foule de centaines de milliers de personnes, le convoi funéraire est revenu devant le mausolée Kumsusan de Pyongyang.
Ces funérailles ont été en réalité l'occasion pour le régime de conforter le caractère dynastique de la succession, c'est-à-dire d'imposer le fils au poste précédemment occupé par le père et le grand-père Kim.
Mais comme le constate le directeur de l'Institut d'histoire sociale Pierre Rigoulot, la légitimité des héritiers apparaît de plus en plus fragile.
C'est donc Kim Jong-un, le plus jeune fils de l'ancien dirigeant, inexpérimenté mais décrit comme un garçon ambitieux, qui a été choisi pour succéder à son père. Dès l'annonce de la mort du leader, Kim Jong-un a été reconnu comme « commandant suprême » de l'armée et chef du Parti des travailleurs de Corée, le parti unique du pays.
Mais de l'avis de nombreux spécialistes, le jeune Kim sera probablement encadré de très près, entre autres par son oncle par alliance Jang Song-Thaek et sa tante Kim Kyong-Hui.
Les images des dizaines de milliers de personnes en pleurs au passage de la limousine noire transportant la dépouille du défunt Kim Jong-il qui ont été diffusées ce mercredi par la télévision nord-coréenne, et retransmises par les médias internationaux, soulèvent de nombreuses questions sur l'ampleur et la sincérité de la tristesse des Nord-Coréens.
« Les Italiens de l’Asie »
De l'avis de Pierre Rigoulot, les Coréens, du Nord comme du Sud, sont très expressifs dans la manifestation de leurs émotions. « Ce sont les Italiens de l'Asie », dit-il.
Mais cette tristesse collective exprimée par les Nord-Coréens lors des obsèques s'explique surtout par des décennies d'enfermement dans un système de propagande redoutable et bien rôdé, et un culte de la personnalité poussé à l’extrême dans lequel les leaders sont érigés au statut de demi-dieu. « Le régime explique aux Nord-Coréens, dès leur plus jeune âge, que tout ce qu'il leur arrive de bien, c'est grâce à leur leader », dit Pierre Rigoulot. Et d'ajouter: « C'est ainsi que se crée un attachement à un personnage central du système, qui est non seulement essentiel dans la vie politique, mais aussi dans la vie quotidienne des gens ».
La population nord-coréenne est depuis plus de 60 ans la principale victime de cette dictature impitoyable. Soumise à un régime draconien qui façonne sa pensée et le moindre de ses gestes, une bonne partie de la population vit dans la misère et connaît des périodes de disette.
L'éducation occidentale du tout jeune nouveau leader, Kim Jon-un, pourrait faire naître l'espoir d'un changement. Mais pour Pierre Rigoulot, ce n’est pas forcément suffisant pour faire évoluer un régime tyrannique vers plus de démocratie.
Sauf accident, la transition en Corée du Nord se fera probablement dans la continuité. Le peuple nord-coréen continuera de subir, pour une durée indéterminée, la tyrannie du seul régime stalinien héréditaire au monde.
« En manque de légitimité, Kim Jong-un devra chercher sa reconnaissance ailleurs que dans sa famille ou dans l'appareil d'Etat. C'est auprès de la population qu'il pourra la trouver, s'il réussit à améliorer son sort », conclut Pierre Rigoulot.