Au Cambodge, Khieu Samphan indigné d'être accusé d'avoir voulu détruire son peuple

Au terme de deux journées et demie d'audience, le procès des anciens dirigeants khmers rouges marque déjà une pause. Il ne reprendra que le 5 décembre. Les trois accusés auront néanmoins eu le temps d'esquisser leur ligne de défense, avec le recours à des arguments qui ont pu parfois faire mouche, comme ceux alignés d'une voix claire et tranquille par Khieu Samphan.

Avec notre correspondante à Phnom Penh, Stéphanie Gée

L'ancien président du régime ultra-maoïste s'est efforcé de démonter un à un les arguments des co-procureurs à qui il a reproché « des petits arrangements avec la vérité ».

C'est un Khieu Samphan en verve, décontracté, qui s'est indigné d'être accusé d'avoir voulu détruire son peuple auquel il a  « pourtant consacré toute son existence » ; qui s'est interrogé sur le fait que l'ancien roi Sihanouk, le premier chef d'Etat choisi par Pol Pot, ne soit pas aussi poursuivi ; qui, enfin, a espéré pouvoir expliquer comment il a pu occuper une haute fonction sans avoir néanmoins su ou décidé quoi que ce soit.

Des propos aux accents de plaidoirie façon Jacques Vergès, le vieil ami qu'il s'est choisi pour avocat, et qui a enfoncé le clou à sa suite. « Les malheurs du Cambodge ne sont pas l'œuvre des dirigeants cambodgiens, mais l'œuvre de puissances mondiales », a annoncé Me Vergès.

A la sortie, certains visiteurs oscillent entre stupéfaction et contestation. Comme ce villageois, M. Chhoeun, dont les paroles font l'unanimité autour de lui. « Pour moi, comme pour les autres survivants, explique-il, nous savons ce qu'il s'est passé, quels crimes ont été commis puisque nous avons vécu la période khmère rouge. Ce qui nous inquiète, c'est qu'en écoutant les grands dirigeants de ce régime faire de telles déclarations au cours de leur procès, les jeunes générations puissent être embrouillées et tentées de les croire. C'est pourquoi je voudrais demander aux juges de faire très attention à ce danger, et pour cela, de trouver la justice pour nous. »

Après une attente de plus de trente ans, les Cambodgiens veulent comprendre et veulent aussi des coupables.

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