C’est une entreprise familiale qui mène la vie dure à la coalition occidentale dans l'est de l'Afghanistan. Une fratrie qui, bien ancrée dans la province pakistanaise du Nord-Waziristan, organise l’insurrection de l’autre côté de la frontière, à laquelle répondent les attaques de drones américains. Une guerre interminable, tant le réseau Haqqani semble avoir toute la latitude d’action qu’il souhaite. Et c’est bien ce que reproche l’administration américaine au gouvernement d’Islamabad.
« Nous savons que le réseau Haqqani opère à partir de caches au Pakistan, et que le gouvernement pakistanais n'a pas pris de mesures contre ces caches », affirmait, dans une formule qui a tout de l’euphémisme, le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, ce 23 septembre.
Depuis le début de l’intervention occidentale en Afghanistan, en octobre 2001, les forces de la coalition se heurtent à l’infiltration constante de combattants venus des zones tribales pakistanaises. Le réseau Haqqani en est un des plus importants viviers, au même titre que la choura de Quetta, dans la province du Balouchistan (ouest), tenue par le charismatique Mollah Omar, et qui pourvoit en jihadistes le sud de l’Afghanistan. Ainsi, depuis 2008, la seule réponse que peuvent donner les Américains et leurs alliés à cette contagion est une avalanche de frappes de drones en territoire pakistanais, supervisées par la CIA, et bien souvent commanditées sans l’aval des autorités d’Islamabad.
Sirajuddin Haqqani aux commandes
Des assassinats ciblés - comme cette attaque qui coûta la vie à une cinquantaine de combattants islamistes fin juillet - qui ne parviennent pas néanmoins à décapiter l'organisation. Au sommet de celle-ci se trouve Sirajuddin Haqqani, fils de Jalaluddin Haqqani, le fondateur, ministre sous le gouvernement des talibans et ardent défenseur de la cause afghane durant l’invasion soviétique des années 1980. Sirajuddin s’occupe de la partie politique et opérationnelle. Son frère, Nasiruddin, assure les bons offices, quand leur oncle Khalil - frère de Jalaluddin - est en charge de prospecter les potentiels « investisseurs » dans la cause jihadiste. Selon le Comité du Conseil de sécurité de l’ONU en charge du suivi des sanctions internationales, le réseau Haqqani trouverait ses financements dans le trafic de drogues, et grâce à des dons provenant du golfe Persique et d’al-Qaïda.
Le rôle de l’ISI, les services de renseignement pakistanais, est lui obscur. Il est en effet de notoriété publique que des contacts, noués durant la lutte contre les Soviétiques, ont perduré jusqu’à ce jour entre les deux organisations. Mais Islamabad est-elle simplement coupable de laxisme ou participe-t-elle délibérément aux actions des Haqqani ? Cette dernière supposition a en tout cas été retenue par l’amiral Mike Mullen, le chef d’état-major de l’armée américaine, qui n’a pas hésité à qualifier le réseau Haqqani « d'arme » entre les mains de l’ISI. Un doute partagé par les voisins afghan et indien, notamment depuis l'attentat contre l'ambassade de l'Inde à Kaboul, à l'été 2008, imputé aux islamistes.
En janvier dernier, le général David Rodriguez, commandant en second de la Force internationale d’assistance et de sécurité (ISAF) indiquait - pour la première fois - que si la neutralisation de ce réseau serait un point « positif », la coalition occidentale pouvait néanmoins l’emporter en Afghanistan sans ce préalable. Mais l’attaque de l’ambassade américaine à Kaboul a remis, semble-t-il, le réseau Haqqani au centre des préoccupations américaines.