Les combats qui ont éclaté vendredi avaient été précédés en février 2011 de quatre jours d'affrontements, qui avaient fait 11 morts autour d'un autre temple ; Preah Vihear, situé à 150 km plus à l'est.
Le conflit, le plus intense de l'histoire récente entre les deux voisins, se déroule principalement sur deux fronts, deux points chauds symboliques, le long de cette frontière qui n'a jamais été totalement démarquée. Le premier, près du temple de Preah Vihear, qui date du XIe siècle. Il a été classé au patrimoine mondial par l'Unesco en 2008. Le temple appartient au Cambodge, mais la Thaïlande contrôle sa zone d'accès. Le second point chaud se trouve à proximité de deux temples hindous du XIIe siècle, situés en pleine jungle, Ta Krabei et Ta Moan.
Rôle de la France dans le conflit
Dans l'histoire de la rivalité entre la Thaïlande et le Cambodge, la France a joué, malgré elle, un rôle important. Le protecteur français du Cambodge a mis longtemps à récupérer, au profit de l'Indochine française, la partie ouest du pays, annexée par la Thaïlande. C'est une région où se trouvent les célèbres temples d'Angkor. La médiation entre les deux pays a été faite en faveur des Cambodgiens - et de leurs protecteurs français. Les Thaïlandais la considèrent comme une sorte de diktat impérialiste.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Thaïlande a profité de la faiblesse du régime de Vichy pour annexer la partie ouest du Cambodge mais, après la fin de la guerre et le départ des Japonais, la région a été récupérée par l'Indochine française - devenant ensuite une partie du Cambodge indépendant.
Depuis l'indépendance de l'ancien protectorat français en 1953, le Cambodge et la Thaïlande se disputent la jungle des montagnes Dangrek, et les trois temples hindous. La frontière entre les deux pays a été fixée en utilisant une carte établie par les Français ; du temps de l'Indochine française. Il y a même deux cartes françaises de la région.
En 1962, la Cour internationale de justice des Nations unies a décidé que le temple Preah Vihear était sur le territoire cambodgien. Décision basée sur une carte de 1907, que la Thaïlande refuse de reconnaître. Elle préfère une autre carte, qui date de 1904 ; elle avait été utilisée lors d'un accord entre la France et le Siam - la Thaïlande de l'époque. Cette carte avantage les Thaïlandais.
Enjeux politiques des confrontations armées
Certains analystes estiment que les deux pays ont chacun des raisons politiques de raviver maintenant le conflit. Selon eux, le gouvernement cambodgien pourrait stimuler la ferveur nationaliste, pour remonter dans l'opinion, en prouvant que son armée est capable de tenir tête au rival historique. En Thaïlande, des généraux proches des milieux ultranationalistes pourraient tenter de créer un contexte propice à un coup d'Etat - pour empêcher l'organisation des élections prévues d'ici juillet.
Les combats des derniers jours ont forcé des dizaines de milliers de villageois à fuir. Quelque 20 000 civils ont trouvé refuge dans des camps de fortune, des deux côtés de la frontière. A la suite des combats de février, le Conseil de sécurité de l'ONU avait appelé à un cessez-le-feu permanent, mais avait rejeté la demande de Phnom Penh d'envoyer des casques bleus sur la frontière. Les deux voisins ont ensuite donné leur accord pour l'envoi d'observateurs, au terme d'une médiation organisée par l'Asean - l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. Mais l'armée thaïlandaise a indiqué que les observateurs n'étaient pas les bienvenus -ils n'ont jamais été déployés.
La Thaïlande souhaite que le conflit soit résolu de manière bilatérale, sans intervention extérieure. Une commission mixte, qui réunit des représentants thaïlandais et cambodgiens, n'a pas réussi, depuis dix ans, à délimiter clairement la frontière.
La rencontre prévue mercredi à Phnom Penh, entre le ministre de la Défense thaïlandais, Prawit Wongsuwon, et son homologue cambodgien, Tea Banh, a été brusquement annulée, le Thaïlandais préférant finalement se rendre en Chine.
Médiation internationale ou négociations bilatérales, il est évident que la Thaïlande et le Cambodge ont du mal à sortir de leur logique belliciste. Le Cambodge parlait même, en février, d'un « danger imminent de guerre ».