Avec notre correspondant au Japon,
Plus de 90% des victimes ont été noyées par le tsunami. La dernière fois que l’armée japonaise a recherché des corps à grande échelle, elle n’en a retrouvé que 239. La plupart des disparus -les Japonais ne prononcent pas le mot mort tant qu’ils sont portés disparus- ont sans doute été emportés par la vague noire géante.
Plus de six semaines après la catastrophe, il devient aussi de plus en plus difficile d’identifier ceux qui sont retirés des décombres. Par ailleurs, les victimes sont si nombreuses -plus de 30 000 sans doute au total- que les crématoriums n’arrivent pas à faire face. L’armée doit les enterrer dans des fosses communes.
Près de la centrale de Fukushima, un millier de cadavres gisent toujours sans sépulture. Car ils ont été exposés à des niveaux de radiation post mortem trop élevés. Il faut d’abord les décontaminer. Les rendre aux familles tels quels risque de provoquer une pollution radioactive en cas de crémation.
Les familles veulent retrouver les dépouilles
Même si elles savent que beaucoup de corps ont coulé au fond de l’océan et ne seront jamais découverts, les familles insistent pour retrouver les dépouilles de leurs proches. Elles insistent parce dans le Tohoku, le nord-est du Japon dévasté par le tsunami, est une région très conservatrice. Les familles souffrent de ne pouvoir offrir à leurs proches les rites funéraires d’apaisement. Ces rites visent à apporter la paix au défunt et à lui épargner de devenir une âme errante dans l’au-delà.
Les funérailles sont accomplies selon les rites bouddhiques et l’incinération, d’origine indienne, est obligatoire au Japon. Les rites funéraires sont très étalés dans le temps. La période de deuil ne prend fin qu’au 49eme jour après le décès. Le très lent arrachement des défunts à ce monde reflète la douleur des proches. Il ne faut surtout pas que les adieux soient froids.
Rites funéraires et superstition
Une fois le calme revenu dans les zones sinistrées, les survivants auront donc comme principal souci de sortir les morts des fosses communes. Ils voudront procéder aux rites funéraires, par superstition. Car une âme errante risque de revisiter le monde des vivants et de leur reprocher de n’avoir pas su assurer au défunt un franchissement aussi paisible que possible de la frontière qui sépare le monde des vivants du royaume des morts. Dans le Tohoku, les proches des victimes du tremblement de terre et du tsunami ne veulent pas endurer la douleur de les avoir abandonnés à la terre ou à la mer.
Dans le nord-est du Japon, alors que l’armée se livre à cette nouvelle campagne de recherche des corps, des moines tentent de consoler les familles qui n’ont pas pu procéder aux rites funéraires. Ces moines leur disent : ne regrettez pas ces adieux si peu étalés dans le temps. Pensez à ce que vous aurait dit le défunt : « sauve-toi, échappe à la vague ».