Le Japon entre crise humanitaire et catastrophe nucléaire

Le 11 mars 2011, le Japon a été durement touché par l'un des plus violents séismes de son histoire. Ce tremblement de terre a été suivi d'un tsunami qui a ravagé de nombreuses villes au nord-est du Japon, tuant au passage des milliers d'habitants. Confrontés à une catastrophe humanitaire, les Japonais doivent également faire face au danger des radiations nucléaires.

Deux semaines après ces catastrophes, les médias consacrent une part importante au danger nucléaire, oubliant presque les victimes de ces catastrophes successives et sans précédent au Japon. A ce jour, la Croix-Rouge internationale a décompté plus de 10 000 morts et 17 000 disparus. Avec le temps les espoirs de retrouver des survivants s'amenuisent. Il est probable que dans les prochains jours un bilan avoisinant les 20 000 morts soit officiellement confirmé. Les dégâts sont considérables. Le séisme de magnitude 9 et la vague du tsunami qui a atteint localement plus de 20 mètres, ont littéralement rasé des villages entiers situés en bord de mer. La Croix-Rouge estime à plusieurs centaines de milliers, le nombre de survivants de ces catastrophes, dont la plupart (environ 300 000) sont actuellement hébergés dans des campements provisoires.

Les recherches des corps des disparus quant à elles se poursuivent. D'après plusieurs témoignages d'habitants de la région de Sendai, la plus durement touchée par le tremblement de terre et le tsunami, la situation est loin d'être revenue à la normale. Elle serait même très inégale selon les régions. Une Canadienne, Marie-Josée Brassard, habitant le centre-ville de Sendai décrit le contraste qui règne entre le centre-ville, situé à quelques kilomètres de la côte, et le littoral.

Le nord est touché en ce moment par une vague de froid. Les températures chutent jusqu'à - 5°C la nuit ce qui rend la vie dans les abris provisoires très difficile. Une épidémie de grippe a été enregistrée dans plusieurs campements. Le manque de fuel demeure le problème majeur dans la plupart des centres d'hébergement des victimes du tsunami, mais aussi pour de nombreuses personnes habitant dans leurs maisons qui n'ont pas été détruites par le séisme. Presque toute la région de Sendai se chauffe au fuel ou à l'électricité qui n'a toujours pas été rétablie.

Autre difficulté pour de nombreux habitants : le manque de nourriture et d'eau potable.
Même si de nombreux magasins du centre-ville de Sendai sont partiellement approvisionnés, ce problème se pose principalement dans les villages plus reculés et par conséquent difficile d'accès.

Elan de solidarité française pour le Japon

Parmi les principaux contributeurs, la France a envoyé vendredi 25 mars une importante aide humanitaire au Japon. L'aide a été mise à la disposition des autorités locales et des ONG à Sendai. Un avion, des plus gros porteurs au monde, l' Antonov 225, a atterri vendredi à l'aéroport international de Narita à proximité de Tokyo avec à son bord 150 tonnes d'aide technique et humanitaire. Cette aide a été envoyée par la France en concertation avec les autorités japonaises. Jules Irmann, porte-parole de l'ambassade de France au Japon, qui était présent sur place détaille le contenu de cette importante cargaison en cours de distribution aux plus démunis.

L'impact du nucléaire sur la santé et l'environnement : une crainte mitigée

Alors que dans certaines villes au Japon, les consommateurs sont de plus en plus réticents à acheter les produits de consommation, par peur de contamination. Cette peur n'est pas partagée par tout le monde. Marie-Josée Brassard n'est pas inquiète pour le moment. Elle suit de près les prévisions météo pour s'informer sur la direction des vents. Samedi 26 et dimanche 27 mars, les vents ont soufflé du nord à l'ouest, autrement dit, en direction opposée aux côtes. Sendai étant situé au nord de Fukushima, l'inquiétude existe plutôt chez les habitants au sud de Fukushima, comme à Tokyo par exemple, constate Marie-Josée Brassard. Elle espère, toutefois, que les autorités japonaises réussiront à trouver un moyen pour refroidir les réacteurs de la centrale de Fukushima Daichi pour empêcher une catastrophe nucléaire. La nourriture et l'eau ne seraient pas affectées, mais la situation pourrait changer assez rapidement et devenir dangereuse pour la santé. Marie-Josée Brassard pourrait alors décider de repartir au Canada. Mais pour le moment, elle a décidé de rester.

L'inquiétude des gens concernant l'irradiation et la contamination radioactive à travers la nourriture et l'eau est très variable. Certains évitent tout simplement d'acheter des aliments comme le poisson, les fruits et les légumes frais sur les marchés. D'autres n'ont rien changé à leurs habitudes alimentaires assurant que malgré les craintes, ils sont tentés de faire confiance aux autorités compétentes. Comme en témoigne Florence Otsuki, une française qui vit au Japon depuis plus de 25 ans.

Mais les dernières nouvelles concernant les taux élevés de radioactivité relevés dans la mer à proximité de la centrale de Fukushima sont loin d'être rassurantes. Jean-François Sabouret, chercheur au CNRS et directeur du réseau Asie, prédit des conséquences dramatiques pour ce pays.

Jean-François Sabouret signale également une augmentation des pillages des supermarchés dans la région du Toroku, non loin de Sendai et de Fukushima. Des pillages qu'il qualifie « d'appropriation raisonnée » dus à l'absence de nourriture et la lenteur des secours, mais aussi à un profond sentiment de détresse. Les camions chargés d'acheminer les vivres déposent leurs marchandises à plusieurs dizaines de kilomètres de ces régions, par peur d'être contaminés.

Cet expert, qui a travaillé sur la question des descendants des parias au Japon, estime que cette catastrophe va affecter la société japonaise sur plusieurs générations. Il évoque notamment la difficulté de trouver un conjoint, en raison des craintes d'engendrer des enfants handicapés, en dépit de toute certitude de contamination. Jean François Sabouret, convient néanmoins que l'électricien Tepco, malgré l'opacité de sa communication et la confusion de ses informations, fait tout son possible pour neutraliser les réacteurs de la centrale de Fukushima.

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