L'Afghanistan proclame les résultats de législatives entachées de fraudes

Après un mois de retard sur le calendrier initialement prévu, la Commission électorale indépendante a finalement proclamé les résultats du scrutin législatif du 18 septembre. Un quart des suffrages annulés, invalidation de 24 candidats arrivés en tête, les résultats d’une province suspendus, quelques 6 000 plaintes déposées... En l’absence de critères politiques dans la désignation des représentants de la nouvelle « Wolesi Jirga », seules la personnalité des élus et leur appartenance ethnique peuvent donner des indications sur les tendances. Mais le président continuera de concentrer l’essentiel des pouvoirs.

Le chef de la Commission électorale indépendante reconnaît que le processus a été difficile. Mais, « malgré toutes les embûches, la nation afghane a réussi », a déclaré Fazil Ahmad Manawi, certainement soulagé d’arriver au bout de l’épreuve. Faute de partis politiques, la nouvelle assemblée reste dominée par « les barbes blanches », chefs de guerre et notables, essentiellement, représentants de groupes ethniques et régionaux, qui ont fait campagne sur leur seule capacité personnelle à fédérer un électorat.

Cette Wolesi Jirga, comme la précédente, sera donc vraisemblablement plutôt une addition de personnalités que le lieu d’affrontement de tendance politique. Et il est encore impossible à ce stade d’en évaluer la proximité, ou l’éloignement, avec la politique du président Hamid Karzaï.

Sur un total de 249 sièges, 238 membres de la Wolesi Jirga sont désormais élus. Les 11 sièges restant à pourvoir sont ceux des députés de la province de Ghazni, au sud-ouest de Kaboul, où la publication des résultats est suspendue, officiellement pour des « problèmes techniques », annonce la Commission électorale indépendante.

Résultats aberrants

Un nouveau scrutin législatif pourrait même être organisé dans cette province où les résultats paraissent aberrants au vu de sa composition ethnique. En effet, les 11 élus sont des Hazaras, alors que la province plongée au cœur du conflit avec les talibans est à majorité pashtoune.

Les Pashtounes estiment qu’en raison de la situation, du danger et des risques de représailles, ils n’ont pas pu exprimer leur vote de façon satisfaisante, contrairement aux Hazaras moins exposés. Et dans le contexte afghan, ce décalage entre le résultat et la sociologie provinciale est un argument qui plaiderait en faveur d’une redistribution des cartes.

Abdullah Abdullah en embuscade

En tout état de cause, selon les premières observations, les Pashtounes, ethnie majoritaire en Afghanistan, seraient moins présents dans la nouvelle assemblée. Deux explications sont avancées : à la fois l’usure du pouvoir qui affecte le président (pashtoune) Karzaï, réélu en 2009 à l’issue d’un scrutin très contesté, en raison de fraudes massives, et de la très faible participation globale (40%) et notamment dans les régions où cette communauté est massivement implantée (le sud et l’est), là où l’insurrection est particulièrement active et efficace.

D’autre part le candidat malheureux à l’élection présidentielle de l’année dernière, Abdullah Abdullah, qui demeure le principal opposant à Karzaï, a revendiqué la victoire de 90 de ses partisans. Si cette annonce se confirme, il dispose d’un groupe parlementaire qui représente plus du tiers du Parlement et il promet de s’en servir pour exercer « des pressions » sur le gouvernement et obtenir « des changements positifs ».

Des comptes à rendre auprès des opinions publiques

Il aura donc fallu plus de deux mois à la Commission électorale indépendante pour dépouiller le scrutin législatif du 18 septembre et proclamer des résultats incomplets et toujours vivement contestés. Il était temps : après le sommet de l’OTAN le week-end dernier à Lisbonne, Washington s’apprête à préciser début décembre ses intentions, sa stratégie et son calendrier sur le dossier. Les Américains sont particulièrement sensibles au respect des usages démocratiques. Ils peuvent s’accommoder des imperfections liées aux conditions particulières d’un pays en guerre, mais ils restent néanmoins soucieux des formes.

Les retards accumulés dans la proclamation des résultats, les soupçons et dénonciations de fraudes massives et la campagne de manifestations qui a accompagné l’attente de la publication des résultats sont de nature à semer le doute auprès des alliés les plus solides de l’administration afghane. Ces derniers ont des comptes à rendre auprès d’opinions publiques promptes à manifester leur impatience de voir rentrer leurs soldats au pays. A cet égard, le chef de la Commission n’a pas manqué de souligner que ce processus avait été un « grand succès » pour « le gouvernement afghan » et ses « amis de la communauté internationale ».

Mercredi 24 novembre au soir, la police anti-émeutes était déployée à Kaboul et les rues autour du palais présidentiel étaient bloquées.

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