Le président bolivien Evo Morales a dénoncé vendredi un coup d'État « en cours » après les mutineries d'au moins trois compagnies de police, une rébellion contre laquelle le pouvoir exclut pour l'heure d'envoyer l'armée.
« Sœurs et frères, notre démocratie est en danger à cause du coup d'État en cours que des groupes violents ont lancé contre l'ordre constitutionnel. Nous dénonçons devant la communauté internationale cette attaque contre l'État de droit », a indiqué sur Twitter le président amérindien de gauche, à l'issue d'une réunion d'urgence avec plusieurs ministres et le commandant en chef des forces armées, le général Williams Kaliman.
« J'appelle notre peuple à prendre soin pacifiquement de la démocratie et de la Constitution politique de l'État (CPE) pour préserver la paix et la vie en tant que biens suprêmes au-dessus de tout intérêt politique », a ajouté M. Morales dans un autre tweet.
Le ministre de la Défense Javier Zavaleta a quant à lui assuré qu'il n'était pas question d'une intervention militaire contre les mutins pour l'instant : « Aucune opération militaire ne sera menée pour le moment, c'est totalement exclu », a-t-il déclaré.
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Dix-sept jours après le début des manifestations contre la réélection de M. Morales, au moins trois unités de police se sont mutinées, dans la ville de Cochabamba, dans le centre du pays, tout d'abord, puis à Sucre, au sud, et à Santa Cruz dans l’est, une région riche et un bastion d'opposition. Des scènes de fraternisation entre policiers et manifestants de l'opposition ont été observées dans la capitale.
« Nous nous sommes mutinés », a déclaré un policier, le visage dissimulé devant les journalistes au quartier général de l'Unité des opérations de police tactique (UTOP) à Cochabamba. « Nous allons être du côté du peuple, pas avec les généraux », a ajouté un de ses collègues, lui aussi masqué. Pour le ministre de l’Intérieur, Carlos Romero, c’est un mal-être des forces de l’ordre qui s’exprime et la situation ne peut pas être apparentée à une mutinerie, rapporte notre correspondante à La Paz, Alice Campaignolle.
« Les gens sont avec vous »
Sur des images diffusées en direct à la télévision, on voit une vingtaine d'agents grimpant au sommet du bâtiment du quartier général de la police en agitant le drapeau bolivien, tandis que des dizaines de jeunes opposants les encourageaient depuis la rue. Les manifestants ont fait exploser des pétards dans une ambiance festive et ont hissé sur un mât un drapeau bolivien, chantant l'hymne national.
En plus des mutineries dans ces trois villes, des dizaines de policiers ont défilé vendredi soir avec des manifestants de l'opposition criant des slogans hostiles à M. Morales sur l'avenue Prado, la principale artère de La Paz. Les chaînes de télévision locales ont également montré des images de manifestants serrant la main de policiers dans le centre de la capitale, un contraste avec les trois nuits précédentes où les deux camps s'étaient affrontés. Dans La Paz, les policiers se sont retirés dans leurs casernes et une foule chantait : « Amis policiers, les gens sont avec vous. »
Luis Fernando Camacho, le leader régional le plus visible et le plus radical de l'opposition bolivienne, avait demandé samedi dernier aux militaires et à la police de se joindre à l'opposition dans cette crise déclenchée par la réélection controversée d'Evo Morales lors des élections du 20 octobre. M. Camacho était à un rassemblement dans la partie sud de La Paz vendredi après-midi quand la nouvelle de la mutinerie de Cochabamba s'est répandue. La foule a applaudi debout et s'est mise à chanter à sa vue.
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