Colombie: dans les zones affectées par le conflit, «on veut préserver la paix»

La Colombie vote ce dimanche 27 mai pour la première élection présidentielle depuis la signature des accords de paix avec la guérilla des FARC, en novembre 2016. Les électeurs devront choisir entre cinq candidats, dans un pays très divisé entre les partisans des accords de paix et les conservateurs qui souhaitent revenir sur ces accords, qui selon eux privilégient la guérilla des FARC. Les candidats ont tenté de répondre aux principaux enjeux, les fortes inégalités, le manque d’opportunités pour les jeunes, et la corruption. Mais dans les zones les plus affectées par le conflit armé, les populations ne veulent pas d’un retour en arrière.

Avec notre envoyée spéciale dans le Cauca,

Sur la route goudronnée qui relie Miranda, Corinto, et Caloto, au moins trois postes mobiles des forces armées spéciales contrôlent les véhicules. Nous devons présenter nos papiers. Tous les jours, ces unités se déplacent. Ici, c’est une des routes pour acheminer vers le Pacifique la coca et surtout la marijuana dont les plantations pullulent dans cette zone montagneuse.

« Ici on contrôle les casiers judiciaires avec l’aide de la police, on vérifie qu’il n’y ait pas de trafic de drogue ou de trafic d’armes, de la délinquance. C’est une route pour le trafic de drogue, mais il y a beaucoup d’autres routes alternatives. Ce n’est pas la seule… »

Ces municipalités à une ou deux heures de route de la grande ville de Cali ont été durement touchées par le conflit avec les FARC rappelle Carlos Fernando Lopez, indigène Nasa qui tente de développer des projets de tourisme et de marijuana pharmaceutique à Corinto.

« La zone de Corinto a enregistré plus de 800 attaques de la guérilla. On a eu beaucoup de morts. Ce temps de paix, les gens de ma génération, on ne l’avait jamais vécu, donc on veut préserver ça. On n’avait jamais vécu un processus de paix. On voudrait pouvoir découvrir nos régions, monter loin dans la montagne, voilà ce que nous voulons, et c’est ce que nous défendons : la paix. »

Des tensions et des attentes

Une paix relative. Il y a une semaine, à Corinto, un leader indigène Nasa a été assassiné. Plus de 200 depuis la signature des accords de paix selon leur organisation. Quatre ex-guérilléros démobilisés ont aussi été tués, 40 dans tout le pays a reconnu le président Juan Manuel Santos. Alors la peur s’installe, des panneaux recouverts de graffitis ELN ou EPL, deux autres guérillas, sont apparus depuis quelques mois dans ces espaces laissés vacants par les FARC.

Les accords de paix n’ont pas été mis en œuvre assez rapidement et beaucoup reste encore à faire estime Briceida Lemo Rivera, paysanne qui s’est jointe à un projet substitution de la culture de la coca. « Le gouvernement radote avec des programmes dont on sait qu’ils ont échoué : l’ananas ? Un fiasco. Le café ? Les cultivateurs ne savent toujours pas le transformer. Personne n’est venu nous dire : "on va mettre en place un centre technique, vous pourrez transformer vos produits, ça va générer de l’emploi". Non, ça, ça ne se produit pas ! »

Des espoirs et du changement

Le silence des armes a tout de même fait renaitre beaucoup d’espoirs. À l’angle de la place principale de la ville de Miranda, un siège du parti conservateur Centre démocratique, avec des affiches bien visibles du candidat Ivan Duque, le poulain de l’ex-président Alvaro Uribe. Impensable il y a quelques années fait remarquer son représentant à Miranda, Fernando Cordoba Cortés.

« Avant le processus de paix, on ne pouvait pas montrer qu’on était sympathisants d’Uribe, on devait se taire. On ne pouvait pas mettre d’affiches, sinon on devenait une cible des Farc. Mais depuis la signature des accords de paix, ça a changé, malgré la présence d’autres groupes armés dans la région. »

Ironie du sort, les accords de paix plutôt décriés par le candidat ultraconservateur Ivan Duque sont ici montrés en exemple par son représentant local. Mais ici dans cette région, c’est surtout le candidat Gustavo Petro, de gauche, qui remporte le plus de succès avec une immense affiche déployée sur la place de Miranda.

Les indigènes Nasa de la région lui ont d’ailleurs apporté leur soutien, les petits paysans espèrent qu’il les désenclavera et les guérilléros démobilisés des Farc disent ouvertement qu’ils miseront sur lui ce dimanche.

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