La rumeur de la mort des trois employés d'El Comercio enflait depuis jeudi. Le président équatorien avait même quitté précipitamment Lima, où il devait participer au Sommet des Amériques, pour rentrer à Quito. Dans une déclaration à la presse ce vendredi 13 avril, Lenin Moreno a confirmé ce que le pays tout entier redoutait. « Malheureusement, l'information que nous avons confirme l'assassinat de nos compatriotes », a-t-il annoncé, la voix brisée par l'émotion.
Le reporter Javier Ortega, le photographe Paul Rivas et leur chauffeur Efrain Segarra avaient été kidnappés le 26 mars dernier alors qu'ils effectuaient un reportage dans la localité équatorienne de Mataje, limitrophe de la Colombie. Les soupçons se sont portés sur des dissidents de l'ancienne guérilla colombienne des Farc.
La première et dernière preuve de vie était une vidéo transmise à la presse colombienne le 3 avril. Pendant 23 secondes, le journaliste Javier Ortega, 32 ans, le photographe Paul Rivas, 45 ans, et leur chauffeur Efrain Segarra, 60 ans, apparaissant enchaînés par le cou. Les conditions de leurs ravisseurs pour les rendre « sains et saufs » sont la libération de trois hommes prisonniers en Equateur et la fin de la coopération antiterroriste de ce pays avec la Colombie, explique l'un d'eux dans cette vidéo. Le gouvernement équatorien avait fait savoir qu'il était en négociation avec les ravisseurs, sans donner plus de précisions.
Hier, des photographies avaient été remises au média colombien RCN. Sur ces photos, l’un des otages exécutés était identifiable. Le président équatorien avait alors lancé un ultimatum aux ravisseurs, leur exigeant de prouver que les otages étaient encore en vie. En l'absence de réponse positive, Lenin Moreno avait promis d'agir « avec la plus grande fermeté » pour « punir ces gens ».
Des actions « militaires et policières » mises en place
Ce vendredi, il a donc mis sa menace à exécution, annonçant avoir lancé des actions « militaires et policières » à la frontière avec la Colombie. Malgré les doutes de tous ceux qui rappellent que la militarisation de la lutte anti-drogue n'est pas toujours synonyme de succès, et citent le cas méxicain pour le prouver, le président équatorien s'en est d'abord pris au leader du groupe responsable de l'enlèvement puis de l'assassinat de l'équipe du quotidien El Comercio, rapporte notre correspondant régional, Eric Samson.
« Nous avons rajouté le narco terroriste alias Guacho dans la liste des plus recherchés de l'Equateur. Nous offrons une récompense de 100 000 dollars pour tout renseignement qui permettra sa capture en Equateur ou en Colombie », a-t-il déclaré. Lenin Moreno a également annoncé la création d'une nouvelle juridiction spécialisée dans le crime organisé pour protéger les juges et les membres du Parquet et l'établissement d'une zone de sécurité.
« Nous avons repris les opérations militaires et policières dans la région frontière que nous avions suspendu pour protéger la vie des otages et nous allons y déployer les unités d'élite de nos forces armées et de la police », a-t-il ajouté. 500 policiers et militaires se sont déployés à Mataje, là où 4 soldats ont été victimes d'un attentat le mois dernier.
Neuf personnes ont été arrêtées dans une ambiance tendue, selon un habitant de la province, Joel González. « La guérilla commence à s'éloigner de Mataje, car il y a de plus en plus de militaires. Il y a plus de contrôles aussi », décrit-il. Lenin Moreno a, enfin, annoncé le lancement d'opérations conjointes entre les armées colombiennes et équatoriennes.
L'exécution de l'équipe de reportage d'El Comercio est l'événement le plus dramatique d'une vague de violence qui secoue depuis janvier dernier l'Equateur à sa frontière. Cette zone où opèrent des dissidents de l'ex-guérilla des Farcs a été le théâtre d'une série d'attaques contre les militaires équatoriens. Trois soldats ont été tués et 43 civils et militaires blessés.