Pour certains, cette affaire est l’équivalent du krach boursier de 1929, pour le monde du cinéma et des médias. Depuis les accusations, dans le New York Times, des actrices Rose McGowan et Ashley Judd, des dizaines d’actrices ont témoigné contre Harvey Weinstein. Ces accusations vont du harcèlement sexuel au viol pur et simple.
Les digues ont sauté, la parole s’est libérée et il est devenu évident que quelque chose d’odieux se passait à Hollywood et, au-delà, dans le monde du cinéma. « Le scandale a commencé à Hollywood parce que les femmes qui accusent Harvey Weinstein sont des stars, mais c’est quelque chose qui existe partout. Et je ne sais pas où ça va finir. Chaque jour, je me lève et je me demande ce qui s’est passé pendant la nuit, je me demande quel homme est tombé », raconte Rachel Donadio, correspondante à Paris de la revue américaine The Atlantic.
De fait, depuis octobre, c’est une hécatombe. Des acteurs sont visés comme Dustin Hoffman, Geoffrey Rush, Kevin Spacey, mais aussi des réalisateurs avec Brett Rattner, Louis CK, James Tobback, John Lasseter, Steven Seagal, Matthew Weiner, le créateur de la série culte Mad Men. Le scandale touche aussi de nombreux pays comme la Suède, le Royaume-Uni, l’Australie, Bollywood et même le Nigeria, à Nollywood. En revanche, en France, aucun nom n’a émergé, en tout cas dans le cinéma.
Etats-Unis : une « hotline » contre le harcèlement sexuel
Les témoignages sont très nombreux, mais la plupart du temps ils sont anonymes. Daniela Elstner, exportatrice renommée, a eu le courage de raconter son histoire. Au journal professionnel Screen, elle a raconté comment, il y a 20 ans, elle a été agressée sexuellement, pendant un festival. « Il y a encore une peur énorme quant aux suites, si on donne des noms. Quand une histoire sort, aux Etats-Unis, sur Louis CK, la sortie du film est annulée, tous les distributeurs ont rendu le film. Tout s’arrête net, explique-t-elle. En France, les distributeurs seraient-ils prêts à agir de même ? Rien n’est moins sûr. »
Y aura-t-il un avant et un après Weinstein dans le monde du cinéma et des médias ? C’est évident, y compris en France. En octobre dernier, une manifestation a eu lieu devant la Cinémathèque française pour empêcher la rétrospective Roman Polanski, accusé de cinq viols sur mineures. Cette manifestation a relancé l’éternel débat sur le thème « Faut-il dissocier l’homme de son œuvre ? »
Bien plus pragmatiques, les studios américains ont mis en place une « hotline » contre le harcèlement sexuel. Un procédé que Daniela Elstner veut aussi créer en Europe : « Nous travaillons dans un milieu très exposé. Si vous êtes agressée par un Harvey Weinstein, vous n’appelez pas la police pour dire "quelque chose m’est arrivé". L’idée d’une hotline, c’est qu’il y ait des gens qui écoutent, qui connaissent le milieu, qui savent éventuellement, si c’est une personnalité connue, comment agir. Qu’une victime puisse appeler, être prise au sérieux et ensuite conseillée sur la conduite à tenir et les suites éventuelles. »
Bientôt, la saison des prix du cinéma va débuter. L’affaire Weinstein va-t-elle s’inviter aux Oscars, le 4 mars prochain ? A Hollywood, personne n’en doute. Certains agents ont même, dit-on, recruté des coachs spéciaux, chargés de livrer aux cinéastes et aux acteurs.trices des éléments de langage. En attendant, le 7 janvier, des actrices comme Emma Stone, Jessica Chastain ou encore Meryl Streep appellent leurs consœurs à s’habiller intégralement en noir, lors de la cérémonie des Golden Globes, pour dénoncer le harcèlement sexuel.