Mexique: le Corruptour, deux circuits des lieux de corruption à Mexico

Au Mexique, la corruption est un véritable fléau. Elle coûterait au pays quelque 10% de son produit intérieur brut, ce qui vaut au Mexique de se retrouver au 123e rang (sur 176 pays étudiés) selon Transparency International ! Pour dénoncer les incessants scandales de corruption, des Mexicains ont eu l’idée d’organiser dans la capitale un «Corruptour». Un tour de la corruption que les habitants de Mexico peuvent effectuer gratuitement dans un vieux bus affrêté pour l'occasion.

Avec notre correspondant à Mexico, Patrick John Buffe

Le Corruptour n’a rien d’un circuit touristique. Il offre un parcours de la corruption au Mexique en passant en bus par les sites les plus emblématiques de ce fléau qui ronge le pays.

A cet égard, la première étape va droit au but : elle conduit les passagers à La Casa Blanca, la Maison Blanche. Plutôt qu’achetée, cette résidence luxueuse de 7 millions de dollars avait été remise à l’épouse du président Peña Nieto par une entreprise ayant obtenu du gouvernement des contrats juteux. Cela avait provoqué un grand scandale au début du mandat du chef de l’Etat.

Et c’est bien là l’objectif de ce tour : rappeler les cas de corruption les plus retentissants, comme le souligne l’une de ses organisatrices, Patricia Obeso. « On croyait qu’il fallait aussi proposer une manière divertissante, créative, ludique, de parler de la corruption, explique t-elle à RFI. Parce que souvent, on pense que tout le monde connaît le thème ou sait comment se construisent les réseaux de corruption. Mais je crois que ce n’est pas vrai. Il nous manque beaucoup d’informations, au-delà de celles que publient les médias. On croyait justement qu’avec un Corruptour on pourrait emmener les gens aux endroits où ont eu lieu ces scandales de corruption et que ça aurait beaucoup plus d’impact que seulement d’en parler. »

Dix hauts lieux de la corruption

C’est pourquoi chaque dimanche sont organisés deux parcours. A chaque fois, une trentaine de Mexicains sont ainsi conviés à monter -gratuitement- dans un vieux bus transformé de manière à laisser à découvert sa partie centrale. Ce qui leur permet de voir dix hauts lieux de la corruption et d’écouter des commentaires audio, comme celui concernant la Stèle de Lumière. Un monument dont les dépassements budgétaires durant la construction sont un exemple lumineux du gaspillage des deniers publics.

« On raconte qu’ont été dépensés 1 milliard trois cent millions de pesos provenant de l’argent des Mexicains. Vous savez qu’avec cette somme, on aurait pu construire quatre hôpitaux généraux ?! » expliique le commentaire.

Ce véhicule anti-corruption passe notamment devant le ministère de l’Intérieur, responsable de l’évasion du narcotrafiquant El Chapo Guzman, devant la toute puissante chaîne de TV Televisa ou encore devant le bâtiment de la Sécurité sociale où les médicaments qu’achète cette institution le sont à un prix gonflé artificiellement.

Ce sont là autant d’exemples qui attristent les participants à ce tour, parce qu’à l’instar de Consuelo Martinez, ils savent quelles en sont les conséquences. « Le plus triste de notre pays, c’est qu’il est totalement plongé dans la corruption. Et c’est ça qui nous empêche d’avancer. C’est bien dommage, car on a un pays merveilleux. Plein de culture, plein de tas de choses. Et si nous nous consacrions plus à éduquer les gens et un peu moins à voler de l’argent, ça pourrait être le pays le plus merveilleux du monde ! »

Succès populaire et prolongation de l'initiative

Depuis son lancement en février dernier, le Corruptour a rencontré un tel succès qu’il va être prolongé jusqu’à fin mai. Pour Pablo Galicia, qui participe à cette initiative comme volontaire, il s’agit de sensibiliser un maximum de Mexicains, qui vivent tous la corruption au quotidien. « Il me semble que c’est une initiative très forte, qu’elle a été très bien reçue, et qu’il fallait la faire pour sensibiliser les gens sur ces thèmes. Car si c’est vrai que les gens connaissent ces cas de corruption, il fallait trouver une nouvelle manière de raconter comme celle-ci pour faire en sorte qu’ils puissent agir contre ces pratiques de corruption ».

Et pour les Mexicains, c’est là toute la difficulté : refuser d’être partie prenante à cette corruption érigée par le pouvoir en un système qui a obligé à faire du pot-de-vin ou du bakchich un mode de vie !
 

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